Philippe Bergeroo, entraîneur du PSG (1999-2001), sélectionneur de l'équipe de France des moins de 16 ans :
"J'ai connu une période difficile à Rennes. Les résultats n'étaient vraiment pas bons. J'avais alors décidé d'incorporer des joueurs, comme Bourillon ou Faty, dans le vestiaire. Je voulais amener un peu de fraîcheur et piquer un peu les anciens. Je me disais même que si ça ne changeait pas, j'allais les lancer. Je n'ai pas eu le temps puisque j'ai été remercié avant... Pour comprendre le raisonnement de Paul, il faut être dans le tambour de la machine à laver. En tant que sélectionneur, je pense que c'est risqué de lancer autant de jeunes d'un coup. Maintenant, j'ai aussi été de l'autre côté, au PSG qui plus est. Alors, je sais bien qu'à un moment donné il faut trouver des solutions. A court terme, cela peut être intéressant pour tout le monde. Les jeunes vont apporter de la fraîcheur et de la motivation à l'entraînement, et ils vont forcément progresser au contact des stars."
François Blaquart, sélectionneur de l'équipe de France des moins de 18 ans :
"A mon avis, l'intégration massive de jeunes joueurs est vraiment risquée. C'est une décision importante, elle doit se faire sur des critères individuels. Cela dépend de la maturité du joueur, de son état d'esprit. On ne peut pas décider de promouvoir tout le monde d'un coup. C'est extrêmement rare qu'un joueur de moins de 19 ans puisse assurer toute une saison en professionnel. Après, les entraîneurs peuvent tenter des coups sur un match ou trouver des solutions face à une cascade de blessures. Mon inquiétude concerne la santé des jeunes. S'ils sont totalement intégrés au groupe pro, ils vont rater leurs deux dernières années de formation, qui sont décisives parce qu'elles doivent leur donner du temps pour appendre les caractéristiques du monde pro. Si on les fait avancer trop vite, ils le paieront plus tard, on l'a vérifié avec des jeunes il n'y a pas si longtemps. En moyenne, un jeune devient adulte, au sens physiologique du terme, vers 20 ans en moyenne. Son corps change encore vers 17 ou 18 ans, sauf exception. Donc, s'il joue régulièrement, il risque de rencontrer des problèmes de santé, d'être un surrégime et de s'exposer à de graves blessures. N'importe quel joueur de 16 ou 17 ans peut jouer un match de L1. J'insiste, c'est la succession de matchs qu'il ne pourra pas encaisser. Maintenant, l'intégration des jeunes peut avoir des avantages. Ils vont accumuler de l'expérience très tôt et très rapidement. C'est un bagage très important. Ils pourront aussi travailler tactiquement au contact des autres pros. Un cas, ce n'est pas gênant, par exemple Messi à Barcelone. Mais si ça se multiplie, ça devient dangereux pour les jeunes et même pour les clubs."
Jacques Crevoisier, directeur sportif du FC Sochaux et docteur en psychologie :
"L'âge est un faux problème. Il n'y a tout simplement pas d'âge pour être bon, qu'on soit jeune ou qu'on soit vieux. Les Anglais ne se torturent pas la tête avec ça. Que les joueurs aient 18 ou 40 ans, ils s'en moquent ! Il suffit de prendre les exemples de Rooney, Fabregas, Walcott ou Gerrard. Arsène Wenger a fait un constat très juste à ce sujet. Parmi tous les champions du monde 1998, presque tous jouaient en Ligue 1 lorsqu'ils avaient 18 ans. Il y a aussi une différence à faire entre le jeune d'exception, qui doit jouer parce que son talent est évident, et le jeune qui s'inscrit dans une progression normale. La notion de progressivité est essentielle. En gros, il ne faut pas le griller et lui faire alterner matchs pro et réserve. Sinon, ce n'est pas un service à lui rendre. Il y a une double impatience. Celle de l'entraîneur, qui voudrait qu'à 20 ans son joueur soit déjà un produit fini. Il y a alors un risque de "tuer" le jeune. La seconde impatience est celle du joueur et, surtout, de son environnement, que ce soit son agent ou sa famille. A ce stade, il faut discerner le niveau de maturité du joueur. Son rapport à l'argent, sa volonté de gagner plus parce qu'il joue, cela peut devenir pervers. Dans la progression d'un jeune type, les étapes doivent être sportives et financières. Si l'une prend le pas sur l'autre, les conséquences peuvent être irréversibles, sauf pour les éléments d'exception. Mais, généralement, ceux-ci savent bien se gérer à tous les niveaux."
Raynald Denoueix, entraîneur du FC Nantes (1997-2001), consultant télé :
"En règle générale, il convient de ne pas mener ce type de politique contraint et forcé. En l'occurrence, lorsque Paul Le Guen injecte cinq jeunes, il le fait sciemment. C'est un acte réfléchi : il a bien évalué la situation et la qualité de ses joueurs ; de surcroît, il fait monter en équipe première un noyau de 4 ou 5 jeunes, et c'est ce noyau, justement, qui fait le force de cette politique. Au lieu d'en faire grimper un seul à l'étage supérieur – ce qui peut être déstabilisant pour l'intéressé -, il en appelle plusieurs. Ils restent donc ensemble, apportent leur vécu et vont en acquérir un autre, toujours ensemble. Je trouve cette façon de faire très fédératrice. Quant à l'âge, il n'y en a pas pour faire jouer un jeune au plus haut niveau : soit il est bon, soit il ne l'est pas ! C'est le seul critère à retenir. Maintenant, il convient de bien encadrer ce fameux noyau ; s'agissant du PSG, qui possède des joueurs de talent, ça peut être bien utile. Enfin, en France, par rapport à l'Espagne, on lance désormais les joueurs très jeunes puisque les meilleurs partent à l'étranger..."
Laurent Guyot, formateur au FC Nantes :
"La question est plutôt de savoir si l'injection massive de jeunes en L1 leur est nuisible. A 18 ans, ça semble un peu fou, mais s'ils sont murs, pourquoi pas ? Au début des années 90, quand Nantes a lancé ses jeunes – dont je faisais partie – en L1, le club l'a fait par obligation. Conséquence ? Nous avions en nous un profond côté revanchard car, sans les ennuis financiers du club, nous n'aurions pas eu notre chance. Et puis, personnellement, j'avais déjà 22 ans et, parmi nous, il n'y avait qu'un seul vrai jeune : Claude Makelele, 18 ans, lequel a prouvé par la suite qu'il était le plus talentueux d'entre nous. En réalité, tout dépend de la qualité des intéressés, de cet environnement appelé à les encadrer, tant sur le plan technique que psychique. Certains anciens, par exemple, ne savent pas encadrer les jeunes, alors que d'autres, comme Mickaël Landreau, y arrivent très bien. Maintenant, cela nécessite une phase d'apprentissage et cela suppose beaucoup de patience, ce qui n'est pas le propre des clubs d'aujourd'hui. Pourtant, je suis persuadé que le club qui ose, s'il est patient, en tirera un bénéfice important à terme. Le PSG peut-il se le permettre ? Si oui, Paris, avec son formidable bassin de jeunes, pourrait avoir l'ambition de devenir un des meilleurs clubs français ou d'Europe, j'en suis sur."
Daniel Jeandupeux, conseilleur du président au Mans UC 72 :
"Lorsqu'on lance massivement des jeunes, cela signifie qu'il y a un problème. Cela signifie aussi que tout ce qui a été tenté précédemment pour rétablir la situation a échoué. Je suis sur, par exemple, que Paul Le Guen a eu 5 ou 6 gestes forts avant de lancer ces jeunes, mais sans succès. Ce n'était pas sa première idée et cela prouve qu'il avait des doutes. On a toujours des doutes lorsqu'on lance un jeune en L1, même s'il est brillant dans les équipes de jeunes. Comment va-t-il réagir face à la pression ? Face à l'environnement ? Face à des joueurs plus expérimentés ? Le doute est décuplé lorsqu'on lance plusieurs jeunes à la fois. Mais, dans des situations d'urgence, il arrive qu'on n'ait pas le choix. Si le joueur est bon, peu importe son âge, il sera au niveau. Je ne crois pas à un risque psychologique qui menacerait un jeune lancé dans une situation de crise. On lance toujours les jeunes quand ça va mal, et ça n'empêche pas certains de faire carrière."
Guy Lacombe, entraîneur du PSG (2005-2007), consultant télé :
"Il y a les clubs qui ont le temps de laisser grandir leurs meilleurs éléments, à l'image de Lyon avec Ben Arfa ou Benzema, et il y a les clubs pour lesquels il est vital d'accélérer le processus. J'ai connu ça à Cannes au milieu des années 90, quand on avait lancé plus d'une soixantaine de pros en quelques saisons. Une politique de jeunes doit entrer dans une politique globale de club où les dirigeants acceptent les avantages et les inconvénients. Il faut savoir aussi que cela va couter des points. Il y a un risque à assumer, et ce à tous les niveaux... Lors de mes six premiers mois à Paris, je suis souvent allé voir la réserve en CFA, mais aussi les moins de 18 ans, qui sont devenus champions de France en 2006. En collaboration avec Bertrand Reuzeau, le responsable du centre, nous avons fait monter les meilleurs éléments pendant la préparation, alors que certains internationaux n'étaient pas revenus de la Coupe du monde. Les Chantôme, Mabiala, NGog ou Mulumbu ont vite apporté leur enthousiasme, leur fraîcheur, et ils sont ensuite entrés en jeu sans souci. Ils ont également eu un rôle d'aiguillon et ont permis de renforcer la concurrence. Ils en ont bougé certains ! Mais, ensuite, il faut qu'il y ait de la continuité et que ces jeunes se sentent soutenus à tous les étages. Pour moi, l'âge n'est pas tellement important pour débuter au haut niveau. C'est surtout une question de maturité. Quand ils ont commencé à Cannes, Peter Luccin et Patrick Vieira avaient 17 ans mais en faisaient déjà 5 ou 6 de plus. Idem aujourd'hui pour Benzema à Lyon ou Nasri à Marseille."
Guy Roux, entraîneur d'Auxerre (1961-2005), consultant télé :
"Pour lancer des jeunes, il faut que l'équipe en ait besoin. C'est un moyen de faire bouger l'effectif, ce qui semble avoir réussi à Paul Le Guen. Je ne pense pas que cela mette ces joueurs en danger, surtout que deux d'entre eux ont été champions de France des 18 ans il y a deux ans (NDLR : NGog et Ngoyi). Ils sont là pour jouer, de toute manière. Ils sont moins en danger sur le terrain que dans une discothèque ou dans leur bolide à toute vitesse sur l'autoroute. Leur intégration dans l'équipe première du PSG est aussi une manière de mettre en lumière le travail effectué par les formateurs du club. A Auxerre, beaucoup de joueurs formés par Daniel Rolland ont été lancés en Première Division : il y a notamment eu la génération des Cantona, Basile et Roger Boli, Vahirua, Mazzolini... Plusieurs d'entre eux sont parvenus en équipe de France A. Je ne peux pas juger du talent de ceux du PSG, car je les ai trop peu vus jouer. Sauf contre Lyon. Mais là, c'était difficile."