Quinze buts. Voilà la bouée qui devrait permettre de maintenir le navire parisien à flot. Pour quinze buts d'avance sur Troyes, notre devise restera Fluctuat, Nec Mergitur. Sauf cataclysme. Seulement voilà, des cataclysmes, au PSG, on en a déjà vu. Et des beaux. Après avoir mené un match 3-0 à la mi-temps en Ligue des Champions, et s'être fait battre 4-3, imaginer encaisser un petit 8-0 à domicile ne semble plus si impossible que cela. Peu probable, OK. Tenez, « très peu probable » même, je vous l'accorde. Mais impossible, non. L'équipe qui a réussi à en prendre quatre contre Tel Aviv est certainement capable, dans un bon jour, de s'en prendre une bonne demi-douzaine contre des Troyens qui n'ont plus rien à perdre. Et après ça, sur un match...
Avec le Paris Saint-Germain, plus rien ne m'étonnerait.
Sauf que non.
C'est que moi, ça ne m'arrangerait pas, mais alors pas du tout cette affaire.
Parce que depuis des mois, on lit partout dans la presse des articles pour plaindre nos braves petits joueurs : vous imaginez la pression, c'est terrible pour eux ; c'est qu'ils n'ont pas l'habitude de jouer pour éviter la relégation les pauvres petits ; et puis quand ils ont signé à Paris, ils n'imaginaient pas lutter pour le maintien, alors quand même, pas facile de gérer tout ça en dedans de leur tête ; puis imagine un peu qu'ils descendent en L2, ces footballeurs-là ne sont pas du tout préparés pour de telles luttes.
Eh oh !
Des joueurs pas préparés pour la L2 ? Et les supporters ?
Non mais ça va bien oui de les plaindre là ? Parce qu'après tout, c'est un peu eux qui s'y sont foutu dans la mer... euh, dans cette pénible situation ! Quand on y pense... Alors que nous, qui est-ce qui pense à nous ? Bah oui, NOUS, je veux dire les gars qui supportent le PSG quoi. On n'y est pas pour grand-chose nous, quand même. On a beau être un tas de racistes qui sentent mauvais de la bouche (et des dessous de bras, d'après France Soir), c'est quand même pas ça qui a fait déjouer notre équipe, non ? Bon alors il s'agirait pas de nous cirer les pompes, c'est pas ce que je demande non plus, mais tout de même, que l'on pense un peu à nous, de temps en temps, ça ferait pas de mal.
Tous ces discours sur le manque d'expérience de ces joutes a vida o muerte, c'était tout autant valable pour les supporters. Et on n'en a pas fait tout un cake ! On a chanté, on a tenu, et voilà. Quant à la descente, et bien figurez-vous que nous non plus, on y est pas préparés. Non mais vous nous voyez, les abonnés du Parc, les fans du PSG en tout genre, naviguant en L2 ? J'ose même pas y penser.
C'est qu'on a nos petites habitudes, nos repères. Comment on ferait face à des équipes que l'on ne connaît ni d'Eve ni d'Adam, pour les chambrer ? Maintenant, en L1, depuis le temps, c'est rodé. Les Lensois ? Facile ! On sait tous ce que c'est un Lensois : coiffé comme Tony Vairelles, un verre de bière à la main, le maillot Sang et Or sur le dos, la perruque vissée sur le crâne, on visualise, c'est bon.
Du coup, la réaction est classique, aucun souci : petit chant « à la mine, à la mine, à la mine », ça mange pas de pain. Les gars d'en face sont contents de pas être venus pour rien, c'est une forme de reconnaissance. On se fait des petits bras d'honneur, tranquilles, et des oreilles de lapin, plus quelques insultes si affinité, au cas où... Bon, ça nous permet de nous chauffer un peu la voix avant de commencer la partie, bref tout le monde est content. Et puis la tradition d'hospitalité est respectée. C'est que c'est important de savoir bien recevoir.
Mais en L2 ? Non mais je vous le demande : comment on ferait en L2 ? Vous savez à quoi ressemble un autochtone Grenoblois, vous ? Et là bas, à part des montagnes et un tramway, y a quoi au juste ? Comment voulez-vous charrier du Grenoblois si vous les connaissez même pas ? Sans compter que personne n'en a jamais vu des supporters de ces pays là ! Non mais quel pourcentage de la population du Parc est capable de donner la couleur du maillot grenoblois, je vous le demande ? C'est pas possible. C'est juste pas possible !
Jamais on pourrait gérer un truc pareil en tribune. Un monde qui s'écroule. Et puis on chanterait quoi ? Les Grenoblois sont des bouffons ? C'est pas sérieux ça ! Vous vous voyez chanter « les Grenoblois sont des bouffons », vous ? Attendez...
Sans nous, qui pour enculer Marcel ?
Les chants à retravailler, ça pose des soucis à n'en plus finir. Que Cayzac doive revendre la moitié du vestiaire du PSG si on descend, à la limite, c'est son problème. Pas rigolo, mais après, acheter, vendre, ils ont l'habitude ces gars-là. Mais nous, c'est carrément la totalité du carnet de chant qu'il faudrait revoir en cas de chute en L2 ! Parce qu'on ne peut décemment pas passer une saison entière à traiter tout le monde de paysan. On va finir par se lasser. Là, contre Auxerre, Sedan, OK, de temps en temps, ça amuse. Mais c'est parce que entre la venue de Marcel (qu'on enclume, comme chacun sait), ou des Bols de Lait, etc., on varie les plaisirs. En L2, mais qui nous apporterait ce petit brin de folie, cette touche de changement qui évite de sombrer dans la routine ? Personne. Y a que des bleds là-bas !
Résultat des courses, engourdissement en tribunes, à toujours faire la même chose les gars se découragent, d'où la dépression, puis la désaffection. Trop de routine tue le supporter, c'est clair. Mais on n'est pas prêts, je vous le dis. C'est pas la venue des deux, trois clubs Corses qui ont eu l'amabilité de sombrer il y a peu qui nous remonterait suffisamment le moral. Traiter son monde de terroristes, certes, c'est amusant, mais bon. Ca n'a qu'un temps. On n'ira pas bien loin non plus avec ça. La L2, point de vue chants, ce serait le cauchemar... Et c'est pas tout !
Dans la série perte de nos repères, il ne faudrait pas non plus oublier les écrans géants. Ca n'a l'air de rien, mais une fois relégués, je ne vois pas trop comment on se débrouillerait pour éviter une vague de suicides collectifs avec ces écrans géants. Non, parce que là, on imagine pas, mais faut se placer dans le contexte. Quatre-vingt-dixième minute, l'arbitre siffle les trois coups. Alors jusque ici tout est normal... quand soudain le speaker prend son micro.
A quelques minutes de la minutes de la fin des rencontres, les scores sur les autres terrains de Ligue 2 !
Aaaaaah...
Bon, déjà là, ça fait mal. Les scores sur les terrains de L2, ça pique un peu les oreilles. Mais ensuite, si on va au bout des choses, ça peut quand même donner un truc du genre :
Dijon 1 – Libourne St Seurin... 0 !
Yeeesss ! Super, on met Libourne à 4 points de nous...
Outch... Faut arrêter le délire, là, les abonnés du niveau bleu, direct ils se jettent par dessus la balustrade. Obligé. On va jamais réussir à gérer des trucs pareils.
Sans compter sur nos braves anti-marseillais de base, qui se fichent complètement de tous les scores (y compris celui du Paris Saint-Germain d'ailleurs), et qui ne souhaitent qu'une chose : pouvoir gueuler « Marcel on t'encule » si l'OM a perdu. Qui y pense à ces gars-là, hein ? Ceux qui ne passent une bonne journée que si Marseille perd. Comment ils feront en L2 ? Pouf, privés de leur raison de vivre, avec les matches décalés ils ne connaîtront jamais le score des Phocéens en live. Le sale coup.
Je le vois gros comme une maison : ils vont se retrouver obligés de recourir à des produits de substitution. A de la méthadone de l'enculage. Mais tout de même, vous avouerez que Martigues, Martigues, on t'encule, bah on a beau faire, ça n'a pas la même saveur. Funeste destinée que la leur, je vous le dis.
C'est normal qu'il n'y ait pas Gueugnon sur ma carte ?
Non, non, question chants, ou autres sympathiques traditions, pas moyen que l'on ne descende en L2. Et d'ailleurs, pendant qu'on est lancés, question infrastructures, je vote également le « No Way ». Complètement pas possible pour les supporters de la Capitale.
Eh, oh, faut redescendre sur terre : ce dont on parle là, ce serait de devoir organiser un déplacement en indépendants à Gueugnon ! Gueugnon !!! Bah moi je l'ai déjà fait, en Coupe de la Ligue du temps de Vahid... Merci bien, je vous le laisse.
Faut pas croire, les villes des clubs de L2, des fois elles sont même pas référencées sur les GPS ! Et pourtant, j'ai acheté le DVD de mise à jour spécial contrées d'outre périphérique hein ! Bah impossible de trouver Gueugnon. Tout juste si je me faisais pas insulter par TomTom. Quant à essayer de vous connecter sur le net avec votre portable pour faire un coup de Mappy, bonne idée, sauf que là-bas pour capter faut s'arrêter en haut d'une colline et monter sur le toit de la bagnole. Et encore, on récupère une demie-briquette maxi. La pure galère.
C'est bien simple, pour trouver la ville, j'avais du demander le chemin à un naturel. Seulement comme je ne parle pas le morvandiau (oui, je me suis renseigné, c'est le nom du dialecte local), je ne me suis pas retrouvé très avancé. Dans tous les sens du terme. Sale souvenir. Et en plus on s'était fait éliminer, et à la fin du match, il s'était mis à neiger. La totale.
Seul aspect pratique de ces déplacements en terra incognita de L2, c'est que une fois dans la cité, trouver le stade se fait aisément. Dans les villes comme Gueugnon, il n'y a qu'une seule rue, alors forcément, ça aide. Bon, aller, j'exagère, on va dire deux rues, maxi. Juste histoire de planter un rond-point.
Hein ?
Oui, un rond-point. Ah, non, moi non plus je connaissais pas. Comment vous expliquer... C'est un peu comme celui qui est en haut des Champs-Elysées, mais en plus petit, et avec une banderole pour la Fête du Forgeron, organisée le 12 juin, Place du Marché, plantée dessus. A la place de l'Arc de Triomphe. Pour vous faire une idée quoi. C'est très à la mode là-bas. Surement un concept.
Bref, tout ça pour dire que d'un point de vue logistique, une descente aurait des allures de catastrophe naturelle pour les supporters du PSG, et ça on ne le dit pas assez. Alors samedi, pas de blague. Il ne va pas s'agir de se la jouer tranquilles, on est déjà sauvés, la L2 c'est pas pour nous, soirée open bar pour le Mezrahi Football Club. Oula non. Tant que mathématiquement c'est pas acquis, méfiance, méfiance. A tout prix éviter ce cauchemar...
Et puis aucune envie de revoir les Nantais moi, en plus.
