Parti en vacances, Fournier n'imaginait pas qu'on était dans le même temps en train de l'enterrer : "Le 26 décembre 2005, après quatre jours en famille à Saint-Pétersbourg, je m'apprête à reprendre l'avion pour Paris, quand je croise Jean-Michel Bellot, l'ancien perchiste, journaliste à TF 1, qui fait le trajet inverse et qui me lance : “Et bon courage !” Je suis toujours l'entraîneur du PSG, mais le téléphone n'a pas sonné pendant ces quatre jours et je comprends tout quand je découvre la une de L'Équipe à Paris qui annonce que c'est fini pour moi."
Tout s'est alors vite enchaîné : "Je devais appeler Pierre Blayau en rentrant. Je le fais. Il me donne rendez-vous le lendemain, chez lui. Le lendemain, tout va vite : je sonne, il me fait asseoir et me dit que je suis viré. Il veut discuter, mais j'ai juste envie de me casser, sans m'énerver. La vérité, c'est que je le sais depuis la veille. Parmi ceux qui le savaient, certains n'ont pas eu le courage de me le dire. D'autres l'avaient eu (ndr : Blayau). Ce n'était pas Blayau qui m'avait fait venir, le 9 février 2005, c'était Francis Graille. Avec Blayau, ça ne s'est jamais bien passé. Peut-être parce que j'avais déclaré, après un Bastia-Rennes (0-1), alors que j'étais l'entraîneur corse, que l'arbitre du match avait du faire le plein d'électroménager, à l'époque où Blayau était président de Rennes, et chez Moulinex... "
L'ex-entraîneur du PSG se lâche sur son ancien président, l'accusant de lui avoir toujours mis des bâtons dans les roues. Il cite plusieurs exemples :
"- En novembre 2005, quand on a gagné à Bordeaux, le seul qui n'était pas heureux, c'était lui. Je sais que Guy Lacombe, ce soir-là, attendait sur son canapé avec une valise. Blayau me mettait une pression incroyable dans la presse. Dans la semaine, il était venu au Camp des Loges pour parler aux joueurs et s'en expliquer : “Si je fais ça, c'est pour vous. Moi, je veux que l'année prochaine, vous jouiez à Old Trafford ou au Nou Camp. Vous savez, le staff m'emmerde, la presse m'emmerde, il n'y a que vous que j'aime...”
- Autre exemple : à Bordeaux, on avait gagné avec Armand au milieu. Il a dit à Sylvain : “Tu sais, ce n'est pas au milieu que tu as une chance de jouer la Coupe du monde, c'est comme arrière gauche.”
- À mon dernier match, à Ajaccio, juste avant la trêve, à la mi-temps, il est venu s'asseoir ostensiblement en face de moi. Il a sorti un stylo, un bloc-notes orange, et il a noté tout ce que je disais. Pendant que je parlais aux joueurs, je le regardais du coin de l'oeil et je me disais : “Je suis mort...”
- Avant PSG - Rennes, il avait demandé du champagne dans le vestiaire, sans doute pour fêter un anniversaire. Ou alors, mon départ. Mais on a gagné, et le champagne a été annulé. Je me suis dit que c'était bizarre, quand même... »
L'ex-international français rappelle également qu'au moment de son licenciement, le PSG se trouvait en haut de tableau : "C'était une période incroyable. On était en course pour la deuxième place. Quand j'ai été viré, on était à un point du deuxième. Et j'entendais le président répéter : « On a oublié la première place. » Après mon départ, il a aussi oublié la deuxième, et beaucoup d'autres encore."
Il l'accuse également de l'avoir mis sous pression constamment : "Il cherchait à me déstabiliser. Il s'était arrangé pour faire annuler, par le service de communication, des interviews que je devais donner à France Football et à L'Équipe. Et il m'a posé des mines dans les journaux. Après notre défaite à Lyon, il avait déclaré : “Si stabilité rime avec médiocrité, il est temps de changer. ” C'est une phrase qui m'a marqué. Quelques mois plus tard, j'étais en train de regarder le PSG-OM des minots chez moi, avec des amis. On a bu quelques verres, et on a fini par envoyer ce texto à Blayau : “Si humilité rime avec médiocrité, nullité rime avec quoi ?” Il a cherché partout d'où cela venait. Maintenant, il le sait."
Désormais, Fournier voue à Blayau une haine sans merci : "Il se moquait de ma communication, de mes mots qui sont les mots du foot. Je ne sors pas de l'ENA, moi, mais je peux faire passer de l'émotion. Nos rapports étaient inexistants. Nous n'avons pas les mêmes valeurs. Il émane de lui un mépris de classe. À un moment, j'ai quand même pensé tenir plus longtemps. J'ai même appelé Michel Denisot pour lui demander ce qu'il en pensait ; il estimait que les résultats devaient me mettre à l'abri. Mais voilà... Quand je déteste, c'est fini, je déteste. Mais Blayau, je ne le déteste pas : je le hais. D'ailleurs, j'ai reçu beaucoup de lettres et de coups de fil de gens de Moulinex à qui il a laissé également un grand souvenir. Blayau ne fera jamais partie de la famille du PSG. (...) Les noms de ceux qui tenaient les poignards ? À part Blayau, je ne sais pas tout. Mais je pense que Vikash Dhorasoo peut être du nombre. Il avait bu un verre avec le président, seul, quelque temps plus tôt."
Dégouté par ce qui lui est arrivé, il avoue avoir eu du mal à s'en remettre : "Après cette éviction, j'étais dégouté du foot, j'avais envie de laisser tomber. Je voudrais juste dire merci à tous les présidents qui m'ont contacté l'été dernier. Mais je n'étais pas prêt à repartir six mois après. Si certains pensent que c'est juste une fracture de la jambe (ndr : Lacombe déclarait il y a peu "Je suis comme un type qui a une jambe cassée"), pour moi, c'était trois coups de couteau dans le dos. Ce qui m'a redonné le gout du foot ? La formation que j'ai suivie, à Clairefontaine, pour le DEPF, mais aussi les mauvais résultats du PSG. (...) Tous les entraîneurs ont du mal à accepter le limogeage. S'ils l'acceptaient, ils n'auraient pas l'esprit de compétition. Alors, oui, c'est une forme de satisfaction de voir que les résultats ont été moins bons après mon départ. Je me suis dit que je n'étais pas plus con que les autres."
Fournier se moque également de son remplaçant, Guy Lacombe, auteur d'une année catastrophique en championnat : "Moi, je suis sincère : quand on te dit qu'à ta place on va recruter le meilleur tacticien, le meilleur formateur, un mec qui travaille énormément, et qu'on te fait passer pour un nul, tu souris quand tu vois que ses résultats sont moins bons que les tiens. J'ai été blessé par certains mots. Quand Guy Lacombe se plaint d'une remarque d'Olivier Rouyer soulignant que Diané n'aurait peut-être pas accompli telle action avec lui, il oublie ses mots à lui : “ Je n'ai rien à me reprocher, parce que moi, je travaille. ” Et moi, je glandais ? Des meilleurs résultats que lui alors que je suis nul tactiquement et que je ne fais rien : je me dis que je suis vraiment fort."
Maintenant, l'ancien Lyonnais espère relancer sa carrière, n'oubliant pas d'apporter son soutien à son ami Le Guen : "Si je parle aujourd'hui, c'est parce que je suis prêt à rebondir. J'aimerais continuer ailleurs ce que j'ai commencé à Paris. Si je parle, c'est aussi parce que le PSG est sauvé. Avec Paul Le Guen et Alain Cayzac à sa tête, je suis redevenu le premier supporter du club. J'ai vu Paul à un déjeuner, il n'y a pas longtemps. C'est bien pour le PSG que ce soit lui. Il est calme et il a su faire passer une pression positive. Il est ce qu'il faut au PSG."