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Supporters PSG : Arno P-E : Paris, ou rien !

Publié le 06 Juin 2007 à 23h23 par Arno P-E
Supporters  PSG : Arno P-E : Paris, ou rien !
Pour profiter à fond d'un moment, il faut réunir tout un tas de petits détails. Si en lui-même, l'instant peut sembler dérisoire, une fois accompagné des bons ingrédients, alors la magie opère et vous vous retrouvez face à la potion que vous étiez venu chercher : bonheur, joie et plaisir.

Aller voir un match, que ce soit du foot ou du rugby, ça reste tout de même une expérience qui consiste à s'asseoir (ou à rester debout d'ailleurs) au milieu d'une foule d'inconnus transpirants, pour admirer un nombre variable de types plus ou moins poilus chargés de déposer un bout de cuir derrière une ligne.

Présenté comme ça, c'est pas très sexy. Et encore, je n'ai même pas précisé que l'on est super mal assis, qu'on voit moins bien qu'à la télé, que le type derrière vous est invariablement un con dont les commentaires avinés (ou embièrés, au choix) feraient passer ceux des journalistes de France2 pour un discours d'investiture à l'Académie Française, qu'il a fallu se taper une heure de métro, et que la fouille très attentive du steward à l'entrée du stade vous procure encore quelques douleurs anales.

Bref, aller voir un match, en soi-même, ça craint. Sauf... Sauf si vous y mettez du vôtre. Et si vous parvenez à créer l'évènement.

Par exemple, une finale... Tiens, Stade Français – Montferrand, au pif. Ne soyons pas sectaire, la saison de foot est finie, et puis le Stade ça reste la Capitale ! Pour une finale donc, même les abonnés n'ont pas leur place réservée. Ils ont le privilège d'être prioritaires au moment de la réservation, certes, mais rien ne leur est du, il faut se déplacer pour aller chercher le billet. Et tant mieux !

Un billet de finale, ça se mérite !

Parce qu'une finale, ça ne doit pas être un match comme les autres. Là, ce mardi, je me suis retrouvé devant la boutique du Stade Français à 10h30 (ouverture des guichets 10h00), pour prendre deux sésames, et j'étais limite déçu : personne dehors, pas la moindre file d'attente. Bon, d'un côté tant mieux, j'étais assez pressé, mais d'un autre... Bah j'avais un petit « mince » au coin du coeur. Pour une finale, il faut faire la queue, merde, et discuter avec un pépère qui soutenait déjà le club il y a vingt ans, et une pauvre mère perdue au milieu de cinglés, venue chercher une place pour son fils qui lui a assuré qu'elle n'en aurait que pour dix minutes, tu verras, et puis t'as pas intérêt à te gourrer de tribune parce que mes copains sont tous dans le bloc L4 alors attention !

Bref, j'étais à moitié soulagé, et un peu contrarié. Jusqu'à ce que je m'approche de l'entrée de la boutique, condamnée... Oups ! La file d'attente partait en fait dans le gymnase, et faisait tout le tour de la coursive du terrain de hand. Finalement, question attente qui fait profiter du moment, j'allais être servi : deux heures de queue !

Mais quand on y repense, ce sont ces moments-là qui donnent une saveur exceptionnelle au reste. Avoir tout de suite ces places, parce que l'on connaît untel qui bosse à la Socvap et qui a des tickets par le patron, bon, OK. On verra le même match. Il sera sans doute même mieux placé que moi, et pourra se gorger de petits fours. Seulement quand le match on l'a attendu deux heures dans ce gymnase qui pue la sueur rance (pléonasme, certes, mais comme je l'ai pas très bien vécu j'ai besoin d'en parler et désolé j'ai pas de psy, alors ça tombe sur vous)... Deux heures à relire tous les dix mètres les feuilles scotchées la veille au mur, vous indiquant les noms des tribunes encore accessibles, et bien le jambon beurre au coup d'envoi, il aura un sacré gout de foie-gras, c'est moi qui vous le dis.

Cette quête de la place d'une finale, elle représente pas le meilleur dans le match, bien entendu, mais une bonne partie de ce qu'il y aura à ressortir de plaisir dans l'affaire, au moment de faire les comptes. Disons qu'elle met le reste en perspective. De la même manière qu'embrasser une fille qui se donne trop facilement à vous n'aura jamais la même saveur que de passer la main dans les boucles de celle que vous avez du attendre, et conquérir.

Ca c'est encore plus fort : la conquête ! Et sur cette affaire, je bats même les abonnés du Stade Français. Eh oui, eux sont venus lundi, quelques milliers, ils avaient droit à deux places chacun, mais vu leur faible nombre, et le total de places à vendre, ils étaient assurés de s'en sortir avec leur ticket. En gros, ça prendrait le temps que ça prendrait, mais ils savaient qu'au bout du compte la fille se laisserait séduire.

Or, quand je suis arrivé, le temps de compter rapidement les personnes qui me précédaient, environ 250, et un type avec portable greffé sur l'oreille se pointe au milieu de la file... Annonce spéciale : il reste en tout à peu près 300, 400 places, mais le club cherche à s'en procurer d'autres. Hum... Sachant que chaque client peut acheter deux tickets, mes capacités calculatoires affutées ne me laissaient guère de doute : j'avais une belle tête de Jean-Claude Duss, et à moins d'un gros coup de bol, j'étais pas prêt de conclure.

Une heure plus tard, le portable revient, avec le même gars greffé dessous... et il compte attentivement, langue dans le coin, tous les gus qui me précèdent...

Le Gars au portable : - Mgni, mgni, mgnigni, 120... (Annonce collégiale :) Bon, vous voyez le monsieur là ?

Moi : - Bah oui, je le vois bien, c'est le gars devant moi !

Le Portable : : - Gné ?

Moi : - Je disais : « évidemment que je le vois bien, il est juste devant moi ! »...

Le Portable : - Ah ? Oui, oui, non mais je parlais à tout le monde en fait !

- Moi : - Ah bon... Mais en tout cas moi je le vois.

Le Portable : - Ok, on a compris, vous l'avez vu, tout le monde l'a vu, et bien il est 120ème, et il reste pile 240 places !

Moi : - Ah...

Le Portable : - Et 120 fois deux ça fait 240.

Moi : - Certes...

Le Portable : - Donc tous ceux qui sont situés derrière ce gars-là, vous devez espérer que les gens n'achètent qu'une place, sinon, pour vous, c'est mort.

Moi : - C'est ballot tout de même.

Le Portable : - Ah bah oui. Surtout pour vous en fait...

Disons que là, je me sentais dans un de ces jours où l'on prend conscience de la part d'ombre qui sommeille en soi. Je regardais les gars quitter la boutique au loin, eux avec leurs places, et moi avec mes pulsions meurtrières. Le souci c'est qu'au rugby, il y a peu de malingres, et du coup je n'ai pas pu en repérer un qui soit susceptible de m'abandonner ses places sans que je ne sois obligé de recourir à la violence. L'intimidation ne suffirait sans doute pas. Et comme je ne tiens pas trop à me faire attendre par une victime et un car de CRS aux portes du stade (là, là, le grand, c'est lui, je le reconnais, c'est lui qui m'a piqué mes places en me menaçant avec un compas), bah du coup j'ai continué à faire la queue. Attendant un miracle.

Miracle venu quelques loooongues minutes plus tard, sous la forme d'un comité régional quelconque, un groupuscule obscur qui n'a pas réussi à revendre toutes ses invitations et les a rétrocédées aux Parisiens.

Ah ?

...

Le temps que l'information atteigne les zones les plus reculées du cerveau reptilien, vous ne pouvez bouger.

Et soudain, là... mais là... quand le gars revient avec son portable vous annoncer ça mais... Mais vous le trouvez beau. Et sympathique. D'ailleurs son téléphone est beau aussi. Et le sale connard, le fameux numéro 120, placé juste devant vous dans la file d'attente, en définitive ce sale connard est finalement plaisant, lui aussi. Et spirituel, tiens. Alors vous rangez les lacets que vous vous apprêtiez à enrouler autour de sa pomme d'Adam, et vous le prévenez que la barrière contre laquelle vous lui proposiez de s'accouder pour se reposer quelques instants plus tôt est inexplicablement descellée, et qu'il devrait faire attention, une chute est vite arrivée.

Ce que ça peut être bon ! Retirer deux tickets sur le net, oui. D'accord. La finale. Youpi, et tralala. J'acquiesce. Sauf que mardi, rien à voir. Après mes deux heures à flipper, quand j'ai eu mes deux petites places en main... YEAH ! Pour moi, c'était RAAAAH !

Ca pouvait pas être meilleur. J'en avais trop chié.

En profiter à fond,

cela doit aussi venir de soi !

Là, c'était parvenir à embrasser la fille dont vous avez cru cent fois qu'elle était avec un autre, qu'elle ne vous regardait pas, celle que vous ne croisiez que lorsque vous croquiez tout juste dans un hamburger dégoulinant de ketchup, ou alors que votre môman vous avait laissé une bonne trace de rouge à lèvres longue durée sur la joue gauche, le matin même.

Mais ces lèvres, elles n'auront jamais le même gout suivant que vous les cueilliez sans effort, ou que vous deviez lutter pour les conquérir. Alors au moment où elles se rapprochent, il faut se souvenir de tout ce qui a précédé, des sacrifices, de l'attente, des doutes et... et là on peut les toucher ces lèvres. Là on sait ce qu'elles valent.

Dernier détail dans la quête de ces places, peut-être le plus important. L'employé au téléphone me sort d'un air bougon, alors que je me voyais rentrer bredouille pour être arrivé un tout petit peu trop tard : vous n'aviez qu'à acheter vos places en janvier, elles étaient déjà en vente.

Tsss... Et prendre le risque de me retrouver avec une finale Toulouse – Biarritz ? Mais qu'est-ce que j'en ai à foutre d'avoir des billets rarissimes pour une partie s'il n'y a pas Paris dedans ? C'est Paris ou rien, et point final ! La valeur financière, ou le côté introuvable, qu'est-ce que j'en ai à faire ? Je ne veux pas me vanter d'être seul, je veux vivre un truc qui m'accomplisse, moi, dans ce que j'apprécie. L'évènement, la finale en elle-même n'aura pas l'ombre de la saveur du match de samedi s'il manquait Paris. Cette différence, elle ne tient pas au spectacle, au jeu, à ce qui va se passer. Vu de l'extérieur, un match reste un match. Non, c'est moi qui construis la différence. Dans ma façon de ressentir les choses, de m'ouvrir et de les vivre.

Et pour moi, c'est Paris, ou rien. De la même manière que là où embrasser une fille quelconque reste une expérience dont on a vite fait le tour, refaire les même gestes avec celle qui compte, cela change tout.

Cela n'augure rien du résultat. Si on perd, je serai déçu. Très. Je l'ai déjà vécu, chuter en finale c'est ce qu'il y a de pire, je le sais. Et quand celle qui compte s'en va, ou quand vous la quittez, oui, ça fait plus de mal que si elle n'était qu'une parmi d'autres. Mais c'est ce qui fait la beauté du moment. Soit on le vit pleinement, à fond, après s'être battu, et après s'être fait peur, parce qu'on y accorde toute l'importance de l'instant, en oubliant demain, soit on ne le vit pas. Parce qu'il ne le mérite pas. Il n'y a pas de méthadone pour ces moments-là.

C'est à fond, de bout en bout, ou rien.

C'est Paris. Ou rien.

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