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Supporters PSG : Une Saison Rouge et Bleu : La rentrée d’Adrien

Publié le 06 Septembre 2007 à 13h15 par Arno P-E
Supporters  PSG : Une Saison Rouge et Bleu : La rentrée d’Adrien
Résumé des épisodes précédents : Adrien vit avec son cousin et sa tante. Afin de payer leurs vacances d'été, cette dernière a choisi de vendre un maillot du PSG datant de 1974, qui appartenait au père d'Adrien. Achetée par François Valloire, ancien responsable des relations publiques du PSG, la précieuse tunique appartient désormais à Dieter Erlenmeyer, actionnaire du club.

Après avoir subi le fameux « réveil par cris hystériques » de sa tante Jeanne, avec environ quatre heures d'avance sur l'horaire officiellement recommandé par son horloge biologique ; après avoir du supporter tout au long du trajet de bus la conversation de son cousin Brandon lui racontant pour la 832ème fois depuis la fin de France2 Foot comment les Lyonnais avaient réussi à battre les Manceaux en sept minutes, malgré deux buts de retard ; après avoir grimpé à la seule force de ses jambes des escaliers recouverts d'un linoléum verdâtre -bon sang, grimper des escaliers dès le matin !!!-, puis être rentré dans une salle remplie de posters défraîchis vantant les mérites du flamenco et des paysages andalous qui piquent les yeux, Adrien du se résoudre à accepter la triste réalité : les cours n'avaient même pas commencés que déjà cette nouvelle année scolaire le soulait.

Son pilote automatique activé, Adrien détecta une place stratégique encore libre, à côté d'un inconnu maigrissime. Le plus difficile fut de traîner ses Converse ramollies jusqu'à la table du fond. Mais ensuite, Adrien s'étala sur son siège pour profiter enfin d'un repos bien mérité.

Enfin tranquille...

- Casquette ! Vous allez me faire le plaisir de la retirer. Immédiatement.

Comme il laissait glisser son jean le long de l'assise extra-dure, pour adopter une position la plus proche possible de l'horizontale, et alors que ses omoplates raclaient contre le bois, Adrien poussa un gémissement plaintif. Ils n'avaient toujours pas investi dans des chaises dignes de ce nom depuis juin dernier...

- Jeune homme, je disais, « CASQUETTE ! » !!!

Reflex n°1 de l'emmerdage en cours, Adrien jeta un coup d'œil par la fenêtre. Il faisait à peu près beau. Injustice chronique de la rentrée : pas un jour correct depuis qu'ils étaient rentrés de vacances, ou presque, et aujourd'hui, évidemment, ciel bleu. Non pas qu'en temps normal Adrien ressente l'envie de sortir folâtrer dehors, mais là, enfermé pour dix mois ferme dans une salle de classe, le soleil était trop tentant.

- EH ! Non mais tu te crois où là ?

Etonnant ce que l'on pouvait être mal assis dans ce bahut tout de même. Le dossier lui blessait les côtes par intermittence, comme si on lui donnait des coups de coude vicieux. Mais alors un coude particulièrement osseux et pointu. Intrigué par cette douleur persistante, Adrien jeta un coup d'œil sur le côté et s'aperçut que son voisin décharné était effectivement en train de lui bourrer le flanc de coups peu discrets, tout en lui indiquant le tableau à l'aide d'un os de poulet décharné.

À moins qu'il ne s'agisse de son index...

Levant la tête dans un effort mobilisant l'essentiel de ses capacités musculaires disponibles à une telle heure du jour, Adrien regarda dans la direction pointée par son silencieux acolyte. Debout sur l'estrade, entre une photo de la cathédrale de Barcelone et une affiche de corrida, un type au visage rougeaud et au crâne chauve s'agitait en hurlant :

- Mais tu vas me la retirer cette casquette !?!

Aïe... L'ensemble de ses passages dans de trop nombreux anciens bahuts avaient appris à Adrien quelques rudiments de la survie en milieu scolaire. Et notamment qu'il était inutile de tenter de répondre quoi que ce soit à un prof d'Espagnol quand ce dernier avait atteint ce coloris rouge-violacé typique. Surtout quand le gars en question arborait un ensemble pantalon de velours avec sous pull col roulé lycra, certifiés collection catalogue CAMIF automne-hiver 1984. Se justifier ne pourrait qu'aggraver la situation. Adrien ôta donc son couvre-chef fétiche et pris un air contrit.

- ...mais en vingt-sept ans de carrière j'en ai maté des pires que toi, moi ! Tu vas avoir le temps de comprendre qui commande ici mon ami. J'aime autant te dire que...

La stratégie consistait ensuite à regarder son bureau, le temps de laisser passer l'orage, ce qu'Adrien s'empressa de faire : le jour de la rentrée, ces profs avaient besoin d'une victime expiatoire. Une cible facile qui puisse leur servir d'exemple, juste histoire d'instaurer un semblant d'autorité. Et prouver qu'ils étaient capables de gueuler sur quelqu'un qui n'a de toutes façons pas le droit de leur répondre, comme si c'était un exploit.

En mode Tatayet, histoire de ne pas en rajouter, Adrien souffla un reproche du coin des lèvres, direction la chaise de droite :

- Dis donc, t'aurais pu me prévenir qu'il en avait après moi !

Interloqué, le voisin se tourna vers Adrien, se contentant de le regarder, sans répondre.

- Parce que me filer des coups de coude c'est bien gentil, continua Adrien, mais bon, une phrase ça va quand même plus vite !

- ... le tout dès le premier jour ! Quand on est malin, le premier jour on essaye au moins de passer inaperçu jeune homme ! Et je dis « on essaye » parce que vu votre comportement, je doute que...

Toujours pas de réponse. Ce voisin famélique commençait à agacer Adrien. Tournant légèrement ses jambes, il lui fila un petit coup de pied dans la cheville, sous la table.

- Hè ! Tu pourrais avoir la politesse de répondre au moins !

- Que je te parle ?, rétorqua le voisin d'une voix abominablement grinçante, fixant Adrien de ses yeux cernés. Deux yeux qui semblaient comme enfoncés dans ce visage trop anguleux. Comme tu l'entends, c'est pas ça qui t'aurait aidé...

- Bah quoi ?, s'interrogea Adrien, décidant de passer sous silence l'accent rocailleux du gars qui avait eu la politesse de lui rendre son coup de pied aussi discrètement que possible. Pourquoi ça m'aurait pas aidé que tu me préviennes que l'autre hystérique avait décidé de passer ses nerfs sur moi ?

- ... alors laissez-moi vous dire que ça vous changer : cette année vue la difficulté du programme, si vous vous comportez ainsi c'est mort ! Dès septembre je peux vous le dire, continuez comme ça et...

Adrien vit le visage de son compagnon d'infortune se décomposer :

- Quoi ? Tu me comprends ?

Le lycéen semblait stupéfait.

- Mais ?, continua-il, alors que les veines de son cou palpitaient : Personne ne me comprend jamais d'habitude ! A cause de l'accent... C'est pour ça que je ne t'ai rien dit quand l'autre t'a repéré.

Adrien grinça des dents.

- Sur que c'est pénible à entendre. Surtout les « R » en fait : on dirait que tu frottes tes ongles contre une vitre. Mais sinon ça reste compréhensible je trouve.

Visiblement très excité d'avoir enfin trouvé à qui parler, le voisin continua :

- Je me présente : Crijstôf.

- Christophe ?

- Non, non : avec un accent circonflexe sur le « o ». Crijstôf. C'est un nom très répandu dans mon pays : je viens de Tsergovie.

Adrien battit des cils, et chercha à éviter d'avoir à répéter ce prénom, convaincu qu'il ne parviendrait jamais à le prononcer correctement. Tout de même... la Tsergovie ?!?

- Enchanté. Moi c'est Adrien.

- ... directement un rapport écrit. Rapport qui vous suivra dans votre dossier ! Vous pouvez me faire confiance, je n'hésiterai pas. D'autant que...

Crijstôf pointa les doigts vers la casquette, retournée sur la table.

- Fais voir l'objet du délit !

Sa bouche s'entrouvrit pour laisser passer ce qu'Adrien imagina être l'équivalent Tsergovien d'un grognement approbateur.

- Ah, PSG... Au moins c'est le bon club !

- Toi aussi, tu es fan ?

- Tu parles ! Je suis même abonné, avec mon grand frère.

Souriant largement, ce qui donnait à Adrien l'impression de discuter avec un crâne décharné, le Tsergovien entreprit de soulever discrètement son pull :

- Tu devrais faire comme moi : le maillot c'est mieux en cours. Je sais pas trop pourquoi, mais vos profs semblent allergiques aux casquettes ici.

Adrien regarda son voisin d'un air abattu :

- Je sais bien, mais la mienne c'est une casquette porte-bonheur. Et puis j'aimerais bien pouvoir le porter mon maillot. Un maillot collector en plus !

- ... votre classeur petit format. Et ne venez pas m'expliquer qu'il n'y a plus d'intercalaires rouges pour la grammaire, j'en ai vu ce matin même à Carrefour. Seulement évidemment, si vous attendez le dernier moment il ne faudra pas venir me dire que...

- Je vois pas ce qui t'en empêche ? répondit Crijstôf dans crissement de gonds rouillés.

Adrien hocha la tête d'un air approbateur : parvenir à grincer des dents avec une telle discrétion devait demander une longue pratique. Respect pour tous les écoliers de Tsergovie...

- Le souci c'est que ce maillot, je ne l'ai plus. C'est un peu compliqué.

- Fais-toi plaisir, raconte-moi ça ! On a le temps de toutes manières.

Adrien déballa donc toute son histoire. La distribution des carnets de correspondance (que vous devrez toujours avoir sur vous sous peine de sanction) passa alors qu'il déclamait en détail le pedigree de la fameuse tunique, avec datation, remise dans le contexte de 1974, et description détaillée de la manière dont son père en avait hérité. Le recopiage laborieux d'un emploi du temps provisoire et incompréhensible, avec groupes de modules, de TP, de langues et d'atelier (non, j'ai dit de le recopier au crayon à papier ! tu ne sais pas ce que c'est qu'un crayon à papier ?) fut consacré à la narration des circonstances dans lesquelles Adrien avait appris la revente du maillot. Et enfin, l'aller retour au CDI pour s'encombrer d'une pile de livres propre à démembrer quiconque voudrait la transporter en une fois (comment ça vous ne savez pas si vous faites Allemand ou Anglais ? Mais ? Évidemment que ce n'est pas le même manuel !), passa avec le listage exhaustif de toutes les engueulades consacrées à l'obtention d'un nom : celui de l'homme ayant acheté le maillot à tante Jeanne sur e-bay.

- Et alors ? Tu ne l'as pas retrouvé le gars ?

Adrien secoua la tête.

- J'ai son nom, mais impossible de trouver son adresse. Il est venu chercher le maillot chez nous, il a payé en liquide et il est sur liste rouge.

Crijstôf posa ses livres sur une table que des générations de lycéens avaient patiemment sculptée, l'ornant de motifs testiculaires et/ou insultants.

- Alors c'est mort. Je vois pas ce que tu peux faire d'autre...

- Non, non, ça se complique mais c'est pas fini : je connais son boulot. J'ai fait une recherche Internet à partir de son nom. Tiens-toi bien, le gars bosse pour le PSG !

- ... remplir consciencieusement la fiche distribuée avec les manuels. Je vérifierai lundi si vous les avez couverts et j'aime mieux vous dire que ceux qui ne l'auront pas fait...

- Comment tu dis qu'il s'appelle déjà ton employé du club ?, interrogea Crijstôf. François Valloire ? Bizarre. Ca me dit rien pourtant...

Plus intéressé par son histoire que par le remplissage de la fameuse fiche d'état des livres que personne ne vérifiait jamais, Adrien colla toutes les croix dans la rubrique « livre détérioré ». De toutes manière, si cela ne correspondait pas encore à la réalité, il se doutait bien qu'une année scolaire suffirait à lui donner raison.

- Pas étonnant que tu ne le connaisses pas, dit Adrien. C'est un administratif : responsable des relations extérieures. Ou un truc de ce genre.

- T'as essayé d'appeler le club ?, demanda Crijstôf.

- Bien sur. Mais je n'ai pas son numéro de poste, et ils refusent de me le passer au secrétariat. Tu connais le stratagème : soit disant qu'il ne travaille plus chez eux, qu'il aurait été licencié.

- ... ordonner tout ça ! C'est incroyable : si vous avez besoin d'une heure pour me ranger vos livres, alors l'année s'annonce mal pour vous. Comment voulez-vous réussir une scolarité alors que...

Crijstôf opina du chef, d'un air entendu. Essayer de faire gober un truc pareil à des supporters parisiens ! Comme s'ils pouvaient croire qu'un club qui verrait revenir Pancrate en juin prochain était capable de virer qui que ce soit ! Bon, à moins d'avoir passé six mois à jouer au poker toutes les nuits avant de traiter le coach de menteur, bien sur...

- Ben voyons...

- Comme tu dis, acquiesça Adrien. Alors j'ai essayé de joindre tous les services, un par un. Les gars qui s'occupent du site Internet, le département supporter, etc.

- Sauf qu'un responsable des relations extérieures, ça bosse pas au département supporters !

Adrien posa les livres par terre. La pile s'effondra et se répandit jusque sous le siège de sa voisine de devant et il du se mettre à quatre pattes pour les récupérer. Sa voix, assourdie, parvenait tout de même jusqu'au Tsergovien, resté à la surface :

- Oui, oui. C'est à la cellule recrutement que je suis tombé sur un type qui le connaissait.

- La cellule de recrutement ? Comment t'as pu contacter la cellule de recrutement du PSG, toi ?

- ... des interrogations de cours. Un cours ça s'apprend, et par cœur ! Ici c'est marqué « espagnol », pas « improvisation linguistique ». Alors les rigolos qui croient qu'en rajoutant un « o » ou un « a » à la fin d'un mot...

Remontant à l'air libre, une fois la pile reconstituée, Adrien répondit dans un sourire amusé :

- Je leur ai envoyé un fax fin aout, une vieille photocopie bricolée avec le blason de Villareal, comme quoi je voulais acheter Diané sept millions d'euros. Ils sont pas bien malins quand même, un fax envoyé d'Espagne mais avec un numéro qui commence par « 01- »...

- Et alors ?

Adrien se tapota la tempe d'un index indigné :

- Alors finalement je l'ai pas signé. Tu crois que j'ai sept millions à mettre dans un gars qui cadre pas une frappe ? Faut pas rigoler non plus...

Crijstôf garda le silence quelques instants, frottant verveusement ses mains sèches l'une contre l'autre. Il commençait à se demander si son voisin possédait vraiment toutes ses facultés...

- Non mais pour ton type là, Valloire. Ils t'ont dit quoi ?

- Qu'il ne l'ont pas vu depuis le match contre Lorient. Mais que pour le croiser il suffisait de rentrer dans le salon VIP du Parc des Princes pendant un match. C'est ça son boulot : il reçoit les huiles, la presse et gère tout ce petit monde.

- ...seront notés sur 20. Et ils compteront dans la moyenne ! Pas question de venir m'expliquer que vous avez déjà un autre contrôle dans une autre matière : je ne changerai rien. Si vous révisez au dernier moment, c'est que de toutes manières...

Crijstôf regarda longuement Adrien, qui jouait, satisfait, avec la visière de sa casquette.

- Il suffit de rentrer dans le salon VIP pendant un match ? Ses mâchoires recouvertes par une peau plus fine qu'un parchemin s'entrouvrirent. Non mais t'es malade ? Jamais tu y arriveras !

Adrien, mu par un réflexe, remis sa casquette sur son front :

- Attends, il a fallu que je torture ma tante, après ça j'ai passé ma vie au téléphone pendant une semaine. J'ai même été obligé de parler en espagnol, et maintenant ça fait trois semaines qu'il y a des flics en civil qui patrouillent partout autour du bureau de poste d'où j'ai faxé le précontrat de Diané. Alors non, pas moyen que j'abandonne. Je récupèrerai ce maillot, il est à moi. Tu pourrais m'aider d'ailleurs. T'en penses quoi ?

- ...CASQUETTE ! Bon, là j'en ai marre. Carnet de correspondance, vous deux là-bas !!!

Crijstôf fusilla Adrien du regard.

- Ce que j'en pense ? J'en pense qu'entre les autres qui ne parviennent pas à gagner un match au Parc et tes délires, la saison va être longue...

Prochain épisode : Finding Valloire (après PSG - Bordeaux)

Pour retrouver les anciens épisodes :

(http://saisonrougebleue.canalblog.com/)

Pour relire le Guide du Supporter Parisien :

(http://livregsp.canalblog.com)

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