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Supporters PSG : Arno P-E : La part d'ombre

Publié le 15 Novembre 2006 à 22h10 par Arno P-E
Supporters  PSG : Arno P-E : La part d'ombre
Depuis quelques journées, chez les supporters du PSG, tout le monde semble s'accorder sur un point. Pro ou anti-Lacombe l'affirment en cœur : les Parisiens se créent des occasions, mais au final, le Paris SG ne gagne pas. Reste donc à trouver une solution. Et voir si nous ne la tenons pas déjà, en nous.

Paris joue au ballon, créé du jeu et parvient à se montrer dangereux. Mais il ne tue pas ses rencontres. Il ne gagne pas les matches qu'il devrait logiquement remporter. Tout le problème est là. C'est après, quand il s'agit de savoir ce qu'on peut faire pour changer cette situation que les avis divergent. Certains sont pour changer de coach. Cette issue leur semble la plus sure, la plus évidente. D'autres, et d'après les sondages ils sont très majoritaires sur PlanetePSG, sont pour maintenir Lacombe en place. Mais alors que faut-il modifier pour que notre club décroche enfin ces victoires qui lui manquent ? Que faire si on ne veut pas aller chercher un entraîneur à l'extérieur ? Prendre le contre-pied ?

Peut-être faut-il tout au contraire aller chercher à l'intérieur des ressources encore inexploitées... Peut-être que la clef pour le PSG serait que tous, joueurs, supporters, nous parvenions à retrouver au fond de nous le petit plus qui nous manque. Là où nous n'avons plus l'habitude de nous rendre. Là où certains voudraient nous faire croire qu'il ne fait pas bon traîner. Peut-être qu'il va nous falloir aller puiser dans notre part d'ombre...

Pour illustrer tout cela, laissez-moi vous narrer une petite anecdote. Elle ne concerne pas le monde du ballon rond, mais chacun pourra tout de même s'y retrouver. Il s'agit ici de vous raconter un petit jogging dominical. Vous savez, la sortie que vous faites pour vous dégourdir les jambes et surtout vous aérer l'esprit un lendemain de match nul contre Le Mans. Le bon décrassage décidé sur un coup de tête, et qui vous voit dix minutes plus tard en train de courir dans les bois.

Le monde se sépare en deux catégories : les gentils...

Ahhh... Le bonheur. Un froid sec vous évite de transpirer comme un veau, il n'y a pas trop de monde et vous laissez tourner les jambes. Pendant ce temps au moins vous ne pensez pas à un but qui aurait été marqué par un ancien du PSG, les problèmes de marquage sont loin de votre esprit. Quelques dizaines de mètres devant vous, un joggeur vous sert de lièvre. Enfin vous ne revivez plus en boucle l'arrêt de ce gardien de but qui repousse le tir d'un attaquant ivoirien... Changement de décor, changement d'humeur. Vous avez rattrapé le gars qui vous précédait, sans vous en rendre compte. Regard en coin... Il a un certain âge et semble correspondre au cliché du pré-retraité qui n'a rien d'autre à faire de ses journées que d'aller courir. Sec comme une trique, tee-shirt du semi-marathon de Plougastel, et short échancré... Le fameux short fendu dont tous ces maniaques semblent friands.

Vous arrivez à sa hauteur, vous tournez vers lui - parce que vous êtes poli - et lui lancez un agréable bonjour. Le bonjour qui suffirait à restaurer l'image de tous les supporters du PSG de la création tellement il est empreint d'amabilité et de bonne humeur. Violents nous ? Seulement le gars ne vous retourne pas votre salut. Il semble désagréablement surpris et vous toise de haut en bas. Sympathique. Un haussement d'épaules et vous poursuivez votre sortie... Mais c'est bizarre, le gars reste à niveau. Vous l'avez rattrapé, donc vous alliez plus vite que lui, mais là, le vieux reste pile à votre hauteur. Impossible de vous rabattre.

C'est ici que le monde se sépare en deux catégories. Que ferait un Armand, un Kalou ou un Pancrate dans ce cas-là ? Ces gars ont leurs qualités et leurs défauts : ils sont plus ou moins doués techniquement, mais au moins ils mouillent le maillot. Ils font ce qu'ils peuvent pour le PSG, non ? Et puis ils sont plutôt sympas en règle générale : pas de déclaration tapageuse, pas de gestes agressifs sur un terrain, pas de coup de gueule. Des mecs réglos quoi. Alors le pépère, bah ils se seraient tournés vers lui, sans doute. Puisque désormais il va à la même allure qu'eux, puisque après tout ça n'est qu'un petit footing, pourquoi ne pas courir ensemble et partager ce moment ? Le vieux ne veut pas se faire doubler, alors à quoi bon ? Autant taper la discute...

...et les autres !

C'est sans doute ce que j'aurais fait moi aussi. Si j'avais été dans mon état normal. Sauf que là mon jogging commençait à peine. Il me restait donc des bouffées de rage de la veille. De vieux restes de frustration mancelle que même une nuit de mauvais sommeil et quinze minutes de courses n'avaient pu évacuer. Alors j'ai réagi autrement. Peut-être davantage à la manière d'un Heinze, ou d'un Sorin. J'ai décidé d'éclater le vétéran des 20 km de la galette au beurre. Méchamment. Et avec délectation. Je me suis tourné vers lui alors qu'il s'accrochait et lui ai rendu son regard scrutateur. Pas agréable pour un sou. Fini le bonjour, évaporé le sourire. Tu veux jouer au con ? Je suis resté à sa hauteur, mais en prenant bien garde de ne surtout pas adapter ma vitesse à la sienne. J'ai gardé mon ancien rythme, celui qui m'avait permis de le rejoindre, celui qui était un tout petit peu supérieur au sien. Histoire qu'il n'ait aucun confort, mais pour qu'il puisse tout de même y croire, et se cramponner.

Parce que ce parcours, les habitués du coin le connaissent par cœur : juste après, dans moins d'une borne, on abordera ce long faux plat descendant que les coureurs fatigués attendent avec impatience. Ah... La portion qui permet de se refaire une cerise. Je ne me suis pas retourné, mais j'entendais la respiration du vieux. Sur qu'il y pensait à cette légère descente. Sur qu'il l'attendait. Moi aussi. Parce que quand on le veut, la descente, c'est là que l'on fait la différence. C'est là que l'on fait très mal aux autres. Et quand on a basculé, épaule contre épaule, c'est là que je lui ai mis une mine. Juste quand il pensait enfin se reposer, et pouvoir garder la même allure, mais en profitant de la pente. Juste quand il y croyait, et pile au milieu de la boucle, loin de tout. Alors j'ai commencé à l'entendre souffler, souffler, souffler... puis ahaner. J'ai entendu sa foulée qui se modifiait, se raccourcissait. Je l'ai entendu souffrir. Je sentais qu'il avait mal. Elle est longue cette descente. Surtout quand on va vite. Surtout quand l'autre, devant vous, allonge le pas. Encore. Et ne se retourne pas. Toujours pas. Elle a été vraiment longue cette descente dimanche. Pour nous deux. Très longue. Les jambes se durcissent, puis brulent... Très, très longue. Trop pour l'autre gars. Parce que de mon côté, quand je suis arrivé en bas, quand enfin je me suis retourné pour constater l'étendue des dégâts, il y avait beau temps que le marathonien des maisons de retraite avait rangé son short de compétition. En bas, quand j'ai bifurqué à fond de cale pour poursuivre ma course, le pépère n'était plus là. Etouffé en chemin. Arrêté sur le bas-côté à cracher ce qui lui restait de poumons, ou à dégueuler son litre de Powerade. Je n'en sais rien. Et je m'en tape. Tout au long, je ne m'étais pas retourné. Tout au long je me suis délecté de sa douleur sans même lui donner le réconfort d'un regard. Sans m'intéresser à son pitoyable sort.

Faut-il être fier de battre plus faible que soit ?

Alors vous me direz, il n'y a pas de quoi se gargariser. Battre un grabataire à la course de fond, quelle fierté ! Et quel plaisir mesquin que se réjouir de son calvaire. Certes. Il n'empêche qu'il a voulu revenir à ma hauteur et qu'il ne l'a pas fait. Il n'empêche que ce dimanche, là-bas, dans la forêt, il a voulu se tester, il a recherché cette compétition. Alors même si sur le papier il pouvait me sembler inférieur, le résultat c'est qu'il y a eu match, et qu'à la fin il y a eu vainqueur. Et quitte à choisir, je préfère être du côté des vainqueurs que du côté des perdants, ou de ceux qui font nul. Au Mans ou ailleurs.

Parce que là aussi, notre adversaire pouvait nous sembler inférieur. Regardez les compositions d'équipe ! Regardez les noms, les statuts, les palmarès... Il n'aurait pas du y avoir photo... Et dans le jeu il n'y a pas eu photo. Seulement au final, ça a fait un partout.

Et c'est sans doute ça qu'il manque à des gars comme Armand, Kalou, Pancrate et compagnie. Nos joueurs, qu'ils soient titulaires, ou remplaçants, capitaine de route ou jeune espoir, ils ne sont pas assez méchants. Et même en tribune, nous ne sommes plus assez méchants. Attention, je ne dis pas qu'il faut qu'Armand arrache les ligaments à la pelle, ou que nous allions nous battre à coup de hache avec les supporters adverses. Il ne s'agit pas d'être violents... Nuance. Il s'agit plutôt d'aller chercher cette part d'ombre, enfouie loin en nous.

Chercher la rage

Qu'est-ce qui empêche Kalou d'aller exploser cette balle ? Pas la taper... L'exploser. Avec le ventre autant qu'avec la jambe. Qu'est-ce qui l'empêche de frapper ce ballon encore plus fort ? Pourquoi ne rajoute-t-il pas cette pointe de sauvagerie, celle qui vous contracte les muscles du visage... et qui fait que la main du gardien ne tiendra pas ? Qui fait que de toutes façons, le gardien ne pourra pas l'avoir... Kalou doit aller chercher cet état second qui fait que lorsqu'il se verra en photo le lendemain, il ne se reconnaîtra pas. Cette frappe à la limite, celle qui vous fait mal partout, vous déchire les muscles. Il faut qu'il se transcende. Il faut qu'il ait envie de faire mal. De mortifier ce gardien. Il faut qu'il ait envie de passer devant lui sans le regarder pour aller chercher le ballon au fond des filets. Il faut vouloir vivre ça ! Le gardien, à terre, qui regarde la balle du mauvais côté de la ligne. Les défenseurs adverses, scotchés, abasourdis. Oui, ils en souffrent. Tous ces entraînements, tous ces efforts, et ce ballon, là, dans les buts... Et Kalou, le souffle rauque, les tempes qui battent, qui marche pour le ramasser. Ce ballon que le gardien a touché. Ce ballon qui a été détourné, oui, mais qui est rentré, quand même.

Chercher la souffrance

Au milieu il faut que Pancrate ressente le besoin de passer son adverse. Une fois. Deux. Dix fois. Encore. Le besoin de lui pourrir son match. Un centre. Un grand-pont. Une course le long de la touche. Un une-deux. Un dribble. Un jeu à une touche de balle. Il faut le passer. Et encore. Et encore. Oui, en face le gars va se faire écharper par la presse demain. Il faut le passer, et centrer. Il se fait huer par les tribunes ? Il faut le passer et frapper au but. Il faut le choquer, le marquer psychologiquement. Même quand les cuisses sont à la limite de la crampe. Il faut que Pancrate ait envie de voir son vis-à-vis regagner les vestiaires en regardant ses pieds. Même si lui termine épuisé, le cœur au bord des lèvres. Que son adversaire ait honte de son match. Même si pour cela, Pancrate doit finir au delà de la douleur. Il faut que l'on voit ce défenseur, à la peine, cassé. Il faut aller chercher ça. Ce plaisir de briser un gars que l'on ne connaît pas, ce joueur que l'on n'a jamais vu... ou même cet ancien équipier. C'est sans doute un type sympa. Un footballeur lambda. Tant pis pour lui. Il faut qu'en face de Pancrate, ou de Rothen, ou de Diané et de Rodriguez, de qui vous voulez, les défenseurs terminent fracassés. Et qu'on s'en délecte. Qu'on ait tout fait pour et qu'en plus ça nous fasse plaisir.

Se faire mal...

Derrière, il faut qu'Armand annihile les attaques adverses. Il faut qu'après un tacle, alors que son adversaire rassemble encore ses esprits, Sylvain ait déjà relancé. Il faut que les actions se brisent sur lui, quatre-vingt-dix minutes. Il faut que les attaquants soient étouffés. Sur coups de pied arrêtés ? Armand au marquage. Collant. Ballon de la tête ? Choc avec Armand. Dur. Dans le combat ? Contact avec Armand. Rugueux. Il faut que les gars encaissent. Qu'ils soient convaincus que ça ne passera pas. Que ça ne pourra pas passer. Il faut que si par hasard le ballon parvenait jusqu'à eux, ce soit avec Armand collé à lui. A bout de souffle s'il le faut. Qu'ils n'y croient plus. Même si Armand souffre, lui aussi, de ces chocs, tirages de maillots, de ces chutes et de ces coups, vicieux. Que les buteurs frappent le sol de la main, de rage, au pied de notre défenseur, debout après une énième interception... Et que Armand y prenne du plaisir, malgré une béquille et les bleus qu'il aura, demain. Qu'il sente les attaquants adverses, dégoutés, juste contre lui. Qu'il devine leur impuissance alors qu'il vient se replacer au marquage, après avoir sorti la balle. Sans même les regarder, qu'il puisse gouter leur frustration, là, à quelques centimètres à peine. Et qu'à l'autre bout du terrain, Pancrate torture son vis-à-vis. Et que Kalou crucifie le gardien.

... pour faire mal aux autres

Pendant que nous, en tribune, on étouffera les visiteurs. Ces gars sont comme nous, on sait tous ce que c'est que de faire un déplacement. Ca prend du temps, ça coute cher, on rentre crevé... Ca n'est pas toujours agréable. Alors si en plus notre équipe s'est fait marcher dessus... Si le milieu a couru dans le vide, si les attaquants se sont cognés contre un mur et si le gardien s'est fait trouer, alors là... Là c'est affreux. Là en tribune chacun comprend que dans le bus, le retour virera au cauchemar. Au long cauchemar éveillé.

C'est ça qu'il faut que l'on recherche. Il faut avoir envie de pourrir la soirée des visiteurs. Qu'ils passent quatre-vingt-dix minutes de merde, noyés sous nos chants. Qu'ils ne puissent même pas s'entendre. Jamais croire qu'ils pourront galvaniser leur équipe. Il faut que, tournés vers nos joueurs, on les devine du coin de l'œil, muets, le visage bloqué. Il faut que pendant qu'Auteuil et Boulogne se répondent, la tribune F soit figée. Abasourdie. Il faut que l'on gueule et que l'on sente leur souffrance, et leur impuissance. Leur état de choc. Même quand on a la gorge défaite. Même quand les bras tirent d'avoir été tendus trop longtemps. Quand on n'en peut plus que l'on s'assiérait bien. Il faut qu'on sente la tristesse, là, à côté de nous et que ça nous donne envie d'en remettre une couche. Sans les insulter. Sans nous moquer d'eux. Pire. En les ignorant. Il faut que l'on porte encore plus haut le PSG et qu'on les sente, eux, s'enfoncer sur leurs strapontins.

Il faut, tous, que l'on aille chercher cela en nous. Le plaisir de remporter ces duels que l'on doit remporter. Que l'on tue ces matches où nous sommes supérieurs à nos adversaires. Il ne faut pas avoir peur d'être méchants, et de meurtrir l'équipe d'en face. Au contraire. Il faut que l'on s'en délecte. Que nos joueurs aillent hypocritement répondre en interview que notre adversaire n'était pas si mauvais, mais que bon... Que l'on se fasse mal, pour faire mal. Tous. Que l'on se force. Il faut que l'on retourne puiser dans notre part d'ombre.

Ce texte n'a rien à voir avec le "Guide du Supporter Parisien"... Ca n'est qu'une réaction sur l'actualité du club. Mais vous pouvez tout de même soutenir le projet d'édition de mon livre !

(http://www.planetepsg.com/index.php?page=arnope)

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