Canal + serait donc mouillée. Après avoir clamé haut et fort son ignorance dans l'affaire des transferts douteux du Paris Saint-Germain, intervenus entre 1998 et 2005, voilà la chaîne rattrapée par la justice. Le dernier chapitre de l'instruction menée par les juges Van Ruymbeke et Desset concerne en effet au premier chef la chaîne, qui a été l'actionnaire du PSG entre 1991 et 2006. S'ils avaient toutes les raisons de croire que la responsabilité de Canal + était engagée dans l'affaire, les enquêteurs n'avaient jusqu'à présent aucune preuve de ce qu'ils soupçonnaient très fort. Aujourd'hui, ils sont formels : "Les dirigeants de Canal + étaient parfaitement bien au courant des pratiques délictueuses qui ont permis au PSG de se soustraire aux charges sociales et fiscales pendant plusieurs années."
"Nous contrôlions complètement le club depuis Canal +"
Ce sont les témoignages d'anciens salariés de Canal + qui ont permis d'attester l'hypothèse des juges. Ainsi le dénommé Christian Hervé, jadis directeur chargé des filiales de la chaîne : "Nous contrôlions complètement le club depuis Canal +. La gestion n'était pas déléguée." Concernant la filiale Sport +, qui a servi à payer en franchise fiscale plusieurs joueurs du PSG, l'homme affirme : "Son gérant était Pierre Lescure, le président Canal +." Pierre Frelot, ancien DG adjoint du PSG, déclare quant à lui : "C'est sur instruction de Canal + que les dirigeants du PSG ont décidé de mettre en place dès 1991 des systèmes de rémunérations complémentaires. Tout était piloté de Canal +."
Enfin, Jérôme Valcke, ancien DG délégué de Sport +, a déclaré aux juges être étonné que "Canal + ait dénoncé à la justice des activités qui étaient organisées et financées par elle-même. Toutes les décisions que j'ai pu prendre l'ont été en accord avec le PSG et Canal +, voire à leur demande. En 1999, Lescure m'a convoqué dans son bureau, en présence de Laurent Perpère, directeur financier du groupe Canal + et président du PSG. La filiale hollandaise de Sport + est une coquille fiscale créée afin que les droits d'image versés aux joueurs ne soient pas taxés. Parmi ses dirigeants de droit figurent les dirigeants de Canal +."
Bertrand Méheut ne pouvait pas ne pas savoir
Outre les témoignages, les enquêteurs se sont fondés sur de nombreux documents. Certains ont été saisis chez Vivendi Universal (à qui Canal + appartient). Dans un projet de rapport d'audit, en mars 2003, apparaît une "référence au contrat Nike et aux amendes." Dans le rapport officiel, paru en juin, ce passage a disparu. A Canal +, on prétend ne plus se souvenir de cette suppression. Pourtant, dans un courrier adressé au directeur des deux audits en juillet, Bertrand Méheut, alors président de Canal +, écrit : "Nous aimerions que vous puissiez approfondir les points suivants : analyse des contrats joueurs notamment les contreparties et échanges, analyse des commissions agents de joueurs notamment l'analyse de la réalité du cout, de la prestation et d'impact cash." Preuve que Canal + était au courant, en plus haut lieu, des pratiques perpétrées au PSG.
Comme un aveu : dans un nouvel audit réalisé en 2004 par VU, dans le cadre des négociations de vente du club à Francis Graille, apparaît également la mention : "risques Urssaf sur contrats Nike et droits d'image joueurs." Enfin, dans un e-mail expédié par Eric Pradon (ancien directeur financier de Canal +) au président de la chaîne, on peut lire : "L'ex-entraîneur Vahid Halilhodzic bénéficiait d'un contrat substantiel avec Nike. Cette pratique devait être arrêtée..." Ce qui revient à dire que la direction de Canal + savait tout au moins depuis 2003.
Canal + aurait voulu faire porter le chapeau à Francis Graille
Selon "Le Parisien", la culpabilité de Canal + ne se limite pas à cela. "Pour se disculper, les représentants de la chaîne cryptée ou de VU ont tous accablé, sur procès-verbal, Francis Graille, l'ancien président qu'ils avaient pourtant nommé en 2003." L'ex-directrice financière du PSG, Ariane Cessenat, aurait tout simplement essayé au cours d'une audition, de faire porter le chapeau à son président. Quant à son homologue de Canal +, Eric Pradon, il a rejeté en bloc la culpabilité sur Francis Graille. Lequel, pour sa défense, a répondu : "Les dirigeants de Canal + étaient informés avant chaque décision, ils devaient la valider. Je référais aux dirigeants de Canal +, en l'occurrence Pradon et Méheut."
Les jours qui viennent risquent d'être difficiles pour les anciens et actuels dirigeants de la chaîne. Dans les prochains jours, Pierre Lescure, Bertrand Méheut et Alexandre Bompard (directeur des sports) vont être entendus. "Canal + pourrait être mis en examen en tant que personne morale", affirme le quotidien.