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PSG : Exclu : interview d'Alain Cayzac (2/2)

Publié le 09 Février 2012 à 11h39 par Cyril Peter
Diplômé d'HEC, ex-publiciste de renom, chevalier de l'Ordre de la Légion d'Honneur, Alain Cayzac est aujourd'hui "senior advisor" de la banque d'affaires Goetzpartners, conseil en fusions et acquisitions spécialisé dans les secteurs des télécommunications, médias et technologies. C'est en qualité de dirigeant historique du Paris Saint-Germain, le club de son coeur, qu'il a accordé une interview à Planète PSG. Dans cette seconde partie (http://www.planetepsg.com/news-19887-club_exclu_interview_dalain_cayzac_12.html pour lire le premier volet), l'ancien président parisien (juin 2006 - avril 2008) commente l'actualité mouvementée du club de la capitale, du licenciement d'Antoine Kombouaré aux recrues hivernales.
planetepsg.com : Sous votre présidence, le plus gros transfert s'est élevé à 6 millions d'euros pour Zoumana Camara (ASSE). Depuis l'arrivée de QSI, la majorité des recrues sont non-francophones et découvrent la Ligue 1 ainsi que la région parisienne (Sirigu, Pastore, Lugano, Maxwell, Alex, Motta). Quel regard portez-vous sur la nouvelle politique de recrutement du PSG ? La métamorphose voulue par les Qatariens ne s'opère-t-elle pas trop vite ?

Non, c'est une mutation qui s'opère bien. Dans le football, on n'a jamais le temps. Moi aussi j'ai rêvé de bâtir une équipe sur 4-5 ans. Malheureusement dans ce sport, il y a une impatience très forte du public. Surtout quand il y a un nouvel actionnaire. Ils ont raison de faire ce qu'on aurait du faire au début avec Colony, c'est-à-dire dépenser beaucoup d'argent au début en renforçant l'équipe avec de très bons joueurs au lieu de saupoudrer au fil des ans parce qu'on n'a pas le temps. Avec certains supporters ou la presse, quand on ne prend pas Beckham, Tevez ou Pato, on a l'impression que c'est un échec. Pourtant, le fait d'imaginer qu'ils viennent est un grand succès. Je n'aurai jamais pensé les avoir à l'époque.

Sur le nombre de joueurs étrangers, je ne vois pas en quoi Pastore, Motta ou un autre seraient plus mercenaires que Gabriel Heinze ou Pauleta. C'est pareil ! L'identité d'un club ne se fait pas avec les joueurs qui sont là pour valoriser le produit. Moi, par exemple, je n'ai pas tout fait bien. Quand je suis arrivé, il y avait 32 pros. Deux après, il y en avait plus que deux sur les 32 qui étaient toujours là. Je crois que c'était Armand et Mendy. Même si je n'ai pas eu de bons résultats, je n'ai pas eu l'impression d'avoir fait du mal à l'âme du club. Justement, aujourd'hui, les gens sont plutôt agréables avec moi.

Et puis, Déhu et Fiorèse qui filent à Marseille, je suis désolé, c'est mercenaire. Il y en a eu des cas de ce genre. Luis (Fernandez) avait pris Heinze, Arteta, Cristobal et Sorin. Il n'y a pas un Français. Et ces joueurs n'étaient pas connus en France. Je plaisante parfois en disant qu'il a fait de mauvais recrutements. Mais il en a réalisé des vachement bons. Il avait fait venir Cardetti ou Hugo Leal, qui avaient moins réussi. Donc je n'ai pas de crainte sur l'identité du club, qui se manifeste dans le respect des anciens, du stade, des couleurs. C'est juste qu'aujourd'hui on est à un autre niveau.

Pour finir, je ne crois pas que les supporters aient des craintes face à cet afflux de joueurs étrangers. Ils doivent être très contents de l'arrivée de Motta, qui a été très bon contre Evian. Il y a Beckham aussi. Son transfert ne m'aurait pas gêné car il aurait servi au rayonnement de la marque. En plus, c'est un bon mec paraît-il. Il a l'esprit d'équipe, il s'intègre bien... Enfin bon, il n'est pas venu.

planetepsg.com : Le mercato hivernal du PSG a été très agité : un changement d'entraîneur et de staff, quatre nouveaux joueurs (Le Crom, Maxwell, Alex, Motta), deux départs (Landre, Erding). Le mercato est-il réussi ?

Indiscutablement oui. Parce que c'est le mercato le plus difficile : en hiver, les clubs ne laissent pas partir les très grands joueurs, les titulaires. En France, Lille ne s'est pas séparé d'Hazard pour qu'il signe au Paris Saint-Germain. Je trouve que les joueurs qui sont arrivés sont bons. Le Crom, je crois que c'est un complément. Ensuite, Maxwell et Motta que j'ai vu jouer au Parc. J'avais l'impression qu'ils jouaient depuis quatre ans au PSG.

planetepsg.com : Le PSG a également essuyé trois revers (Bekham, Pato, Tevez). Pour reprendre votre expression, quand le club basculera-t-il "dans un autre monde" ? Autrement dit, quand sera-t-il en mesure de signer des stars mondiales ?

Le club a déjà basculé dans un autre monde. Mais il basculera vraiment quand on jouera la Champions League. A mon avis, dès la saison prochaine, le club deviendra un candidat aux belles places européennes. Après, Chelsea n'a jamais été champion d'Europe. Ce qui manque, c'est la participation à la Champions League. Si on échouait, ce serait une grosse déception.

"KOMBOUARE ? C'EST UN LUXE DE PARTIR EN PLEINE GLOIRE"

planetepsg.com : En tant que supporter, comment avez-vous vécu le licenciement d'Antoine Kombouaré en décembre dernier ?

(hésitation) Je voudrais préciser d'abord que je suis très proche d'Antoine Kombouaré depuis qu'il a entraîné la CFA. Je crois que c'est réciproque aujourd'hui. Pour pallier le départ de Luis, j'étais partisan de le nommer entraîneur mais Canal + avait pris une autre option (NDLR : Vahid Halilodzic). Je l'avais recommandé avec Perpère. Et c'est moi qui lui ait donné un coup de fil quand il entraînait Valenciennes pour qu'il vienne à Paris.

Je n'ai pas mal vécu son départ. Je ne parle pas de la méthode mais disons que j'ai compris l'opération. Premièrement, Carlo Ancelotti est très grand. Je ne le connais pas, je ne le compare avec Antoine Kombouaré mais il peut permettre de faire venir de très bons joueurs. Il a l'expérience du très haut-niveau, un palmarès. A long terme, il ne peut qu'être bénéfique. Deuxièmement, il faut être raisonnable. En tant qu'observateur et proche d'Antoine, c'est formidable qu'il parte en pleine gloire. En général, les entraîneurs partent quand ça ne va pas bien et ils traînent leur départ comme un boulet. Donc c'est un luxe de partir en pleine gloire. C'est énorme ! Vous pouvez vous regarder devant la glace et dire : "je suis parti, j'ai réussi, j'étais premier". Il a également fait preuve de courage et de noblesse dans un certaine adversité car il savait que tôt ou tard, il quitterait Paris. Il part donc avec l'image d'un mec qui a réussi dans son métier et en tant qu'homme. Enfin, il n'est pas malheureux. J'ai compris qu'ils avaient été très corrects financièrement. On a beau dit qu'il n'y a pas que le pognon dans la vie. Vaut mieux en avoir que ne pas en avoir...

Pour finir, on m'a souvent appris dans mon métier de chef d'entreprise que il est plus intelligent de changer quand ça fonctionne bien. Quand ça va mal, on prend des décisions dans l'urgence. Son départ n'est donc pas un mauvais cas marketing... Ce n'est pas un mauvais cas d'entreprise plutôt.

planetepsg.com : Et en tant qu'ancien président ?

En tant que dirigeant historique, je ne peux pas dire que je l'ai mal vécu. C'est dommage mais ce n'est pas un drame humain. Evidemment, il a vécu quelques semaines difficiles. Je préfère être Antoine Kombouaré plutôt que Claude Puel. Lui aussi part avec beaucoup d'argent mais il a un sentiment d'échec. Il y a un conflit, il est aux prud'hommes.

Je ne dis pas que j'aurai pris cette décision. Et d'ailleurs, peut-être aurai-je eu tort ? Il est important de souligner que cet épisode ne laisse pas de cadavres sur la route.

"BATIR UN NOUVEAU MODELE TOUT EN RESPECTANT L'HISTOIRE ET LES ANCIENS"

planetepsg.com : Face à l'afflux de nouveaux joueurs, les plus anciens de l'effectif ne risquent-ils d'être déstabilisés ?

(Zoumana) Camara faisait une bonne interview l'autre jour. Il disait qu'il préférait moins jouer mais être champion à la fin de saison plutôt qu'être titulaire et finir relégable. Ce n'est pas ridicule comme point de vue. Sylvain Armand, que je connais bien, il va rebondir. Sinon il partira ailleurs. Quel est le problème ? Il ne faut être "bisounours". Il n'y a pas de drame quand on gagne 150 000 ou 200 000 euros par mois. C'est dramatique quand ça se passe mal, quand il y a des procès, quand on vous humilie. En tout cas, je ne vois pas Sylvain pleurait dans les chaumières. Simplement, il tirera les conséquences en fin de saison. Chelsea n'a pas été tendre avec Nicolas Anelka, que j'apprécie beaucoup. On ne peut avoir tout dans la vie ! Et il est parti vivre une formidable aventure en Chine. Pour des cas de joueurs comme (Yoann) Gourcuff, un jeune qui gagne beaucoup d'argent mais qui ne rentre jamais en jeu, là c'est compliqué. Il ne suffit pas de prendre son chèque.

planetepsg.com : Le club est dans un tournant historique et redevient attractif. Pourquoi ne revenez-vous pas au PSG ?

D'abord, on ne se nomme pas soi-même. Ce n'est pas mon genre de frapper à la porte. Je crois aussi que les Qatariens veulent changer d'époque. Ils ont envie de nouveauté : construire avec de nouveaux dirigeants, un nouvel entraîneur, un nouveau conseil d'administration. Ils ne me le montrent pas, ils sont très cordiaux avec moi. La nouveauté dans une entreprise, ce n'est pas mauvais. On peut très bien bâtir un nouveau modèle tout en respectant l'histoire et les anciens. Ce qui est le cas actuellement. Mais je ne vois pas de logique à ce qu'il me rappelle. Ils ont un bon staff de direction en plus : Jean-Claude Blanc est un type bien, Nasser est un type bien, Leonardo est un président à l'anglaise.

"NE FAISONS PAS DE PROCES D'INTENTION AUX QATARIENS"

Le PSG made in Qatar ne s'appuie pas sur son centre de formation, qui figure parmi les meilleurs de France. Etes-vous pessimiste pour l'avenir du centre de formation du PSG ?

Non. On ne peut pas dire qu'ils ne s'appuient pas sur les jeunes. Sakho porte toujours le brassard, Chantôme joue moins mais il est quand même dans l'effectif, Bahebeck et Kebano ont été conservés. Dans les grands clubs, les jeunes font des bouts de matches. Pour l'instant, ils n'ont pas donné la preuve que c'était un domaine qui ne les intéressait pas. D'ailleurs, j'ai participé à l'idée que le centre de formation du Paris Saint-Germain était meilleur qu'on ne le disait. L'image, c'est qu'à Paris, on ne forme pas de jeunes. Or, le problème, c'est qu'ils ne jouaient pas en première. L'année dernière, on a eu été champions en U19 et U17. Et je pense que les Qatariens ont compris qu'il existait un vrai potentiel, un vivier et qu'on dispose des compétences pour former de grands joueurs. Ils ne sont pas idiots : si deux ou trois joueurs très performants sortent du centre comme au Barça, il n'y a aucune raison qu'ils ne soient pas utilisés. A mon avis, il n'y aura pas d'ostracisme.

A leur arrivée, les Qatariens ont assuré que la section féminine deviendrait professionnelle. A ce jour, les féminines ne les ont toujours pas rencontrés tandis que la qualification en Ligue des Champions s'éloigne. Comment analysez-vous la situation des féminines du PSG ?

La section féminine vivait grâce aux subventions de la société commerciale. Depuis l'arrivée des Qatariens, elle ne dépend plus de l'Association. Autrement dit, les féminines ont quitté le giron associatif et font désormais partie de la société commerciale. A long terme, il y a possibilité structurelle de développer la section féminine. Les Qatariens ont déjà mis leur nom (NDLR : Al-Jazeera) sur les maillots. Mais je ne connais pas leurs ambitions. Il ne faut pas leur faire de procès d'intention.

En tout cas, je suis à fond pour qu'on investisse dans les féminines car j'estime qu'à moindre cout, c'est formidable pour l'image du club. J'ai été le premier à y croire avec Pierre Nogues et à dégager un budget. Il paraît petit maintenant mais à l'époque, ce n'était pas rien. J'aime bien les voir jouer. Les filles peuvent se reconvertir au sein du club. C'est bien d'avoir des femmes à des postes importants.

planetepsg.com : Un dernier mot ?

Etant donné que je ne suis pas patron, le dirigeant historique que je suis a des souhaits. Le premier : que les supporters historiques reviennent au Parc des Princes. Le deuxième : qu'on reste au Parc des Princes. On a le droit d'avoir des doutes. Mais ne faisons pas de procès d'intention aux Qatariens.

Interview réalisée par Cyril Peter en exclusivité pour Planète PSG.

La rédaction remercie Alain Cayzac pour sa disponibilité et sa franchise.

Crédit photo : Flickr/SPORTELMonaco
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