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Supporters PSG : Arno P-E : Une Saison Rouge et Bleue - Episode 1

Publié le 06 Août 2007 à 17h37 par Arno P-E
Supporters  PSG : Arno P-E : Une Saison Rouge et Bleue - Episode 1
Voici le premier épisode d'"Une saison Rouge et Bleue", qui sera une suite de textes courant sur toute l'année. Il ne s'agira pas d'une chronique, ni d'une série de compte rendus, mais d'une unique histoire se déroulant en parallèle de la saison 2007-2008. Le Paris Saint-Germain ne sera pas le thème principal, mais il servira très largement de décor à cette histoire.
Adrien, dont il est question dans ce chapitre d'introduction sera le personnage principal du feuilleton, mais il n'apparaîtra pas à chaque fois. Supporter du PSG, les résultats du club, et son actualité en général (grèves en tout genre, unions sacrées, heurts, etc.) tous ces évènements influeront directement sur ses aventures. Disons que la trame servira de prétexte pour parler du Paris Saint-Germain, et de ses supporters.
Toutefois, et même s'ils croiseront des joueurs ou des dirigeants du club, il faudra garder à l'esprit que tous les personnages d'"Une Saison Rouge et Bleue" ne sont que de pures inventions. Adrien n'existe pas, ce n'est pas un pseudonyme pour décrire un supporter célèbre d'assoce, ou je ne sais qui. Il ne représente qu'un personnage fictif. Disons que comme le veut la formule consacrée, tout lien avec des personnes existant ou ayant existé serait purement fortuit, etc.

Première journée : PK 62,5

La tempe droite reposée contre la vitre arrière de la 405 pourrie, Adrien laissait défiler le paysage. C'est entre deux soupirs misérables et un bâillement goitreux semi-contrôlé qu'il découvrit avec une molle surprise le panneau de la société des autoroutes. Le premier péage de l'autoroute A6, point de sortie de l'Île-de-France, se trouvait désormais à moins de cinq kilomètres. Non pas qu'Adrien eut prêté le moindre intérêt à la distance en elle-même, mais le panneau précisait qu'ils rejoignaient la barrière de péage de « Fleury-en-Bière », et allez savoir pourquoi, Adrien avait toujours cru que l'A6 commençait par le péage dit de « Corbeil-Sud »... Etrange.

Il jeta un coup d'œil à sa montre. A peine quarante minutes qu'ils étaient partis, sa tante Jeannine, son cousin Brandon et lui, et il en avait déjà marre. Ce sentiment l'inquiétait d'ailleurs quelque peu, vu que les vacances en famille étaient encore loin d'être finies... Peut-être qu'une hibernation ferait au moins passer le trajet plus rapidement ?

Basculant sa casquette PSG sur son front, Adrien ferma les yeux et tenta de se concentrer sur la musique de son baladeur MP3. Pas facile quand l'autoradio balançait à fond du Dalida.

Je vais vous raconter, avant de vous quitter...

Dire que pendant ce temps-là Paris disputait son match de reprise contre Sochaux, et qu'il suffirait de se brancher sur la radio pour en avoir un résumé !

... l'histoire d'un p'tit village près de Napoli. Nous étions quatre amiiiis, au bal tous les samediiiis...

Mais non, au lieu de ça, Adrien était bloqué dans cette épave année modèle 1989, direction Nowhere-en-Garenne, pour trois semaines de stage commando, option « survie en zone campagnarde » !

... à jouer, à chanter toute la nuiiiiit. Giorgio à la guitare, Sandro à la mandoliiiine...

Trois semaines perdu au milieu des champs, histoire de manquer tout ce qui fait le charme du mois d'aout : la reprise du championnat, les premiers déplacements, les retransmissions télé, et l'actu des transferts... La totale.

... moi je dansais en frappant du tambourin.

Mais tous ceux qui venaient, c'était pour écouter, celui qui faisait battre tous les cœurs. Et quand il arrivait, la foule s'écriait : « Maman, on peut s'arrêter, j'ai vraiment envie là ! »

Gné ? La foule s'écriait quoi ?

Oh bon sang, si maintenant Adrien se mettait à la fois à écouter la chanteuse préférée de sa tante, ET les jérémiades de son cousin, il ne tiendrait jamais le coup !

- Bien sur mon chéri : comme d'habitude, on s'arrête juste après le péage. Ca c'est la voiture mon Brandon : ça secoue, ça secoue !

Les paupières closes, Adrien haussa les épaules, désespéré.

- Tss... Et en plus d'être supporter de l'OL, le Brandon chéri a une vessie de raton laveur...

- Maman !!!

- Adrien !

Ouvrant un oeil sous la visière rouge et bleue, Adrien comprit un peu trop tard que trahi à la fois par Dalida et par son i-Pod, ses pensées avaient été dépassées de très loin par ses paroles. C'est qu'entre Gigi L'Amoroso et TV on the Radio, il était difficile de penser autrement qu'à voix haute.

- Oups... Désolé. C'était pas censé être audible.

Adrien grimaça. Surprenant comme l'atmosphère s'était rafraîchie d'un seul coup. En fin de compte sa tante avait raison : en y mettant un peu du sien, la clim, dans les voitures, relevait du gadget inutile.

Après être resté quelques secondes immobile, Adrien extirpa les écouteurs de ses oreilles et se redressa sur son siège défoncé. Le temps de regretter que le concours de la voiture où on faisait le plus la gueule le jour du départ en vacances n'existe pas, et Adrien vit sa tante engager le tas de tôle dans l'aire de repos qui ne s'appelle pas Corbeil-Sud.

Une fois la voiture immobilisée sur la place libre la plus proche des toilettes, c'est-à-dire à l'autre bout du monde, tante Jeannine tourna son visage congestionné vers les sièges arrières. Fusillant du regard un Adrien étalé, et un Brandon boudeur, elle souffla d'une voix glaciale :

- Bon, vous, vous restez ici pendant que je fais ce que j'ai à faire. Vous irez ensuite.

Si Adrien avait parfois bien du mal à trouver des qualités à sa tante, sur ce coup il lui fallu bien reconnaître qu'elle présentait des dispositions insoupçonnées pour briguer une carrière de ventriloque : réussir à prononcer une telle phrase, les mâchoires complètement serrées comme elle venait de le faire représentait une performance qui devrait lui permettre haut la main de passer dans l'émission de Patrick Sébastien. Mais au moment où il allait la complimenter en lui recommandant cette nouvelle orientation professionnelle, son cousin lui coupa la parole.

- Mais Maman, je suis très pressé moi !

- Et bien tu attendras. Ça te musclera la prostate, et si j'en crois mes anciennes expériences avec ton père, ça ne peut pas te faire de mal. En attendant, ne vous éloignez pas de la voiture !

Ses joues toujours aussi rouges, tante Jeannine claqua la porte et quitta le champ de vision des deux garçons. Adrien se tourna vers son cousin. Une ride de perplexité lui barrait le front :

- A ton avis, elle a peur de quoi ? Qu'on nous vole une épave dont même un ferrailleur roumain volant des plaques d'égout pour les revendre au poids ne voudrait pas, ou qu'on lui pique ses précieuses cassettes de Dalida ?

Quelque peu focalisé sur la trop forte pression exercée parla boucle de sa ceinture sur sa vessie, et peu enclin aux longs discours, Brandon répondit sèchement :

- Adrien, t'es vraiment obligé de toujours ouvrir ta grande bouche ?

Décontenancé, Adrien prit le temps de la réflexion.

- Obligé, non, mais maintenant que tu évoques ce problème, je dois avouer qu'il est vrai que j'ai parfois du mal à m'en empêcher... Comme de désobéir aux consignes débiles d'ailleurs... Allez, j'y vais, rétorqua Adrien en sortant de la 405 pour se dégourdir les jambes, abandonnant derrière lui un Brandon au front perlant de sueur et au bas-ventre contracté dans un long effort solitaire.

- Adrien ? Tu vas où ?

- Bah, aux toilettes !

- Non ! Il faut que quelqu'un reste, Maman nous a interdit de partir ! Qui gardera la voiture si tu vas aux toilettes ?

- Là, sur l'impulsion du moment, je dirais « toi »... Mais ne t'inquiète pas : je t'ai entrouvert une fenêtre, tu ne risques rien. Si quelqu'un s'approche tu penseras à grogner s'il te plaît. Mais ne gratte pas les sièges comme la dernière fois, ça les abîme.

- Quoi ? répondit Brandon, écartelé entre le respect des aînés qui l'obligeait à rester trépigner sur son siège, et une soudaine envie de meurtre. Je... Je le dirai, je le dirai !

Souriant et replaçant sa casquette fétiche sur ses cheveux ras, le Parisien s'éloignait déjà de la voiture.

- Je n'en doute pas ! A toute !

Perdu dans ses pensées, Adrien se dirigeait vers les toilettes, repensant à ce que son cousin lui avait lancé. C'est qu'il était tombé juste : pourquoi fallait-il qu'il prononce le mot de trop, alors qu'il savait très bien que cela lui attirait systématiquement des ennuis ? D'autant qu'être incapable de se taire, quand on était à la fois fluet, et peu doué dans quelque art martial que ce soit, cela relevait vraiment de la mauvaise combinaison. Alors Adrien retournait encore une fois son problème, l'étudiant sous tous les angles : comment faire pour se forcer à écouter cette petite voix qui le prévenait, au moment même où il se mettait tout seul dans la panade ? Comment se la fermer avant qu'il ne soit trop tard ?

Le nez entre les chaussures, et perdu dans ses réflexions, Adrien ne prêtait pas attention au flot des autres voyageurs qu'il croisait sur le chemin des sanitaires. Il manqua donc s'empaler sur le type qui le précédait...

- Pardon, désolé...

- Y a pas de mal minot, répondit son interlocuteur : les Parisiens, à un mètre des cages ils marquent pas, alors toi, avec ta casquette, à un mètre de distance tu ne me vois pas, c'est logique.

Surpris, Adrien étudia le spécimen. Le lycéen type, jolie coiffure à la Beckham, figée par un monticule de gel pour gars qui le vaut bien. Une bonne tête de plus que lui, et un maillot de l'OM sur le dos. Le gars lui bloquait délibérément le chemin. D'accord...

- Ecoute, je t'ai présenté mes excuses, ma journée est difficile, je veux juste aller pisser, alors lâche l'affaire tu veux ?

- Bon, bon, répondit le Marseillais... La vie est pas marrante quand on supporte le PSG, c'est vrai. Pas Sur de Gagner, hein ! Allez, j'ai pitié de toi, un petit sourire et je te laisse passer.

Hochant la tête de gauche à droite, Adrien sentit que ça le reprenait. Non, décidément, sur ces coups-là, il ne pouvait pas se taire... Tant pis. Baissant les épaules, il dit d'une voix lasse :

- Pourquoi il a fallu que tu insistes ? Tu n'aurais pas pu te barrer, non ?

- Quoi, hein ? Tu me menaces ? Attends, je suis pas tout seul hein !

- Non, je ne te menace pas..., répondit un Adrien qui regardait ses chaussures, l'air peiné. Je t'admire.

- Hein ?

- Oui, j'ai beaucoup d'admiration pour les supporters de Marseille en général.

Le Phocéen, un peu perdu, cherchait un témoin du regard... C'était presque trop facile.

- Ah ? Tu nous admires ? C'est bien...

- Non, c'est normal. Vous au moins au Vélodrome vous êtes des vrais. Respect.

Le jeune Marseillais se détendait, laissant venir les éloges avec un plaisir évident. Alors que son interlocuteur bombait un torse gonflé d'orgueil, pensant déjà à ce qu'il pourrait raconter à ses copains, Adrien souriait intérieurement. Il suffisait vraiment tous de les caresser dans le sens du poil pour les cueillir. Maintenant, soulevant d'une chiquenaude la visière de la casquette fétiche, et souriant innocemment au Phocéen, il lança :

- Oui, vous êtes des vrais. Continuer à venir supporter une équipe qui n'a rien gagné depuis quinze ans, je dis respect. Perdre toutes ses finales, finir deuxième avec une telle régularité mais y revenir quand même, saison après saison, là je m'incline.

- Quoi, quoi ?

- Tu vois, se prendre une fessée en finale de Coupe de France contre nous, perso je croyais que ça vous aurait suffi. Mais non, il a fallu que vous recommenciez l'année d'après, contre Sochaux. Grande classe.

- Hey ! Attends, je vais pas te laisser dire...

- C'était une histoire de symétrie, d'esthétisme, c'est ça ? Un coup sur la fesse gauche en 2006, un coup sur la droite pour 2007 ? En tout cas, vous voir de retour pour vous faire réavoir l'année suivante, je m'incline. C'est beau.

- Mais ?

- Non, non, vous êtes les meilleurs. C'est merveilleux de supporter une équipe de perdants. Il en faut, pour la beauté du sport, et tout. Bravo. Allez, c'est pas tout ça mais je file maintenant, j'ai une petite commission à faire moi... En espérant vous recroiser en mai au Stade de France, hein. Ca fait toujours des bons souvenirs.

Passant devant la bouche ouverte et les yeux arrondis du Marseillais, Adrien se dirigea vers les toilettes la tête bien droite, agitant les mains au dessus de sa tête quand il entendit le marseillais le prévenir :

- Attends un peu : on va te péter la gueule, sale facho de Parisien.

Mimant ses oreilles de lapin sans prendre la peine de se retourner, Adrien continua son chemin...

Bien lui en pris d'ailleurs. Ne pas regarder en arrière lui évita quelques nœuds dans l'estomac. Ainsi, il ne vit pas le Marseillais se diriger vers ce qui ressemblait à s'y méprendre à l'intégralité des membres masculins de la famille Ribéry : une dizaine de gars, du petit-fils au grand-père, présentant le même visage patibulaire et le même œil vitreux, discutant en tee-shirt sans manches autour d'un pack de bières et d'un van affublé d'un énorme autocollant « droit au but ».

Alors qu'il disparaissait derrière les arbres les plus proches des toilettes, Adrien ne vit pas davantage que la bande formait un cercle autour du garçon dont les gestes étaient on ne peut plus explicites. Malgré le fort accent de la Canebière mâtiné d'une pointe de Ch'ti, perceptible jusque dans la langue des signes, pas besoin de traduction : l'index vengeur désignait clairement les WC vers lesquels Adrien se rendait.

Ayant échappé à la vision de ce conciliabule enflammé et funeste pour sa propre personne, c'est donc l'âme sereine et la conscience tranquille qu'Adrien rejoignit les lavabos devant lesquels trônaient sa tante et son cousin, bras croisés et mine des grands jours. Brandon n'avait donc pas tenu, et il avait fallu qu'il court informer sa mère de l'évasion d'Adrien. A cause de l'intermède Marseillais, Brandon était arrivé le premier, en profitant pour brosser un tableau qu'Adrien imaginait peu flatteur pour propre sa cause. Vraiment, quoi que vous fassiez il y avait toujours un Phocéen pour vous causer des ennuis...

La fan de Dalida ouvrit les hostilités :

- Mais où étais-tu passé ? On te cherche depuis je sais pas combien de temps !

- J'ai été retenu quelques instants par un membre d'une secte pratiquant des rites masochistes, c'est pas de ma faute ! Mais je crois bien l'avoir convaincu que je n'étais pas intéressé.

- Quoi ? Tante Jeannine jeta à son neveu un regard interloqué. Oh, je n'essaye même pas de comprendre. Bon, je retourne à la voiture, toi, tu restes avec ton cousin, qui a eu la gentillesse de t'attendre, mais sois-sur je m'en souviendrai !

- Oui ma tante...

Souriant alors que Jeannine et son bermuda à fleurs se dirigeaient à la fois dans la direction de la 405 et d'un groupe de types au regard évoquant un poisson resté trop longtemps exposé au soleil du port de Marseille, Adrien se tourna vers son cousin. Cette affaire avec le supporter de l'OM lui avait rappelé que le monde comptait des spécimens bien plus graves que Brandon, et qu'il n'était peut-être pas si mal tombé que cela avec son cousin. Torturé par sa conscience qui lui sommait de se montrer agréable, il lui emboîta le pas et tenta de renouer le dialogue.

- Excuse-moi pour tout à l'heure Brandon, dit Adrien en courant pour rattraper son cousin. C'était un peu nul de te laisser tout seul. Je n'aurais pas du...

Alors qu'ils entraient dans le coin réservé aux hommes, Adrien s'étonna : Brandon restait bien silencieux, et tentait visiblement de réfréner un demi-sourire malintentionné. Le jazz diffusé dans les toilettes par Autoroute FM, au cas où les usagers voudraient apprendre devant une pissotière qu'un bout de pneu brulé créait un bouchon sur l'A71, ne suffit pas à défaire Adrien de son mauvais pressentiment. L'absence de réaction du cousin n'était pas normale. Comme il allait demander à Brandon ce qu'il mijotait, Adrien vit une main passer devant son visage, et se sentit soudainement comme nu. Le cousin s'enfuyait avec son porte-bonheur !

- Ma casquette ! Brandon, rends-moi ma casquette !

Mais le supporter de l'OL fermait déjà le verrou, et c'est d'une voix venue d'outre-chiottes qu'Adrien fut instruit de la machiavélique fourberie :

- Ah, tu fais moins le malin maintenant, dit la voix. Je me demande ce que je vais en faire de ta casquette fétiche. Peut-être que je vais la porter, pour voir si elle me va bien ?

- Arrête, dit Adrien d'une voix posée. Tu vas mettre des mauvaises ondes dessus ! C'est un coup à ce que les arbitres se mettent à siffler pour nous ça...

- Ou alors je vais la laisser tomber dans le trou. Je suis si maladroit...

Adrien laissa filer quelques secondes avant de répondre :

- Fais-en ce que tu veux Brandon, mais avant, réfléchis bien. Parce que tôt ou tard, il faudra que tu sortes d'ici. Et là, ça me dérangerait que tu aies des choses à regretter...

- Euh... Tu ferais quoi ? Tu vas me taper ?

Jetant un coup d'œil à son reflet malingre dans le miroir, Adrien fut surpris de constater que son cousin était encore plus lâche que lui.

- Non. J'aimerais bien, mais la Nature m'oblige à être non violent. En revanche ce serait dommage que ta mère apprenne ce que tu caches sous ton lit, tu ne crois pas ?

La porte en bois à laquelle Adrien s'adressait ne répondit rien.

- Brandon ? Tu m'as entendu ?

- Oui...

Le ton du cousin semblait déjà moins assuré qu'avant...

- Très bien, reprit Adrien. Alors pendant que tu pèses le pour et le contre, moi je vais me vider la vessie. On se retrouve à la voiture...

Quelques minutes plus tard, Adrien rejoignait la Peugeot, s'étonnant qu'elle soit effectivement aussi délabrée que dans ses souvenirs. Parfois la mémoire ne joue aucun tour...

- Ah, te voilà, dit la tante Jeannine... Mais où est mon Brandon ? Tu l'as encore laissé seul ?

- Non, il est aux toilettes, avec sa conscience.

Tante Jeannine, qui semblait tout à coup très fatiguée ferma les yeux et se pinça le haut de l'arête du nez... Des éclats de voix s'élevaient au loin. Sans doute une engueulade familiale. Bizarre...

La tante reprit, dans un soupir :

- Et tes amis ?

- Mes amis ? répondit Adrien, perplexe. Quels amis ?

- Le groupe de garçons avec des maillots de foot blanc, et un accent bizarre, répondit la tante. Ils m'ont dit qu'ils cherchaient à discuter avec leur « camarade » : un adolescent avec une casquette du PSG et qui a la langue trop pendue. C'est toi ça, non ?

Gêné par des bruits sourds résonnant depuis l'entrée de l'aire de repos, comme si une armée de bucherons cherchait à façonner une planche à coup de pieds, Adrien avait du mal à se concentrer.

- Ca dépend... Tu leur as répondu quoi ?

- Et bien la vérité évidemment ! Que tu étais aux toilettes. A ce propos, laisse-moi te dire qu'ils n'avaient pas particulièrement bon genre ces garçons. J'aimerais qu'à l'avenir, tu choisisses un peu mieux tes fréquentations.

- Je n'y manquerai pas ma tante... Mais après, ils ont fait quoi ces types ?

- Ils sont partis te rejoindre, ils n'allaient pas non plus rester avec moi discuter du beau temps, tu imagines bien. Vraiment, je suis étonnée que tu ne les aies pas vus, ton cousin sortait tout juste pour se laver les mains quand ils se sont mis à courir vers les WC.

- C'est-à-dire que comme Brandon voulait rester seul pour réfléchir un peu, moi je suis allé faire pipi dehors. Pour ne pas le déranger. Ceci dit tante Jeannine, comme c'est lui qui a ma casquette, je suis en train de me dire qu'il se pourrait bien que de loin tes interlocuteurs aient confondu Brandon avec moi. Peut-être sont-ils déjà en train de « discuter » avec lui... s'il a eu la mauvaise idée d'ouvrir la porte.

Adrien se racla la gorge... Les craquements de bois et ce qu'il fallait bien maintenant avouer être des appels au secours avaient soudainement cessé, après un ultime hurlement sinistre et paniqué.

- Ma très chère tante, je me demande si tu ne devrais tout de même pas aller voir aux WC ce qui s'y passe.

- Tout de suite ?

- Euh, non, tu as raison : passe voir les gendarmes d'abord. On ne sait jamais. Moi, je reste garder la voiture, par sécurité.

C'est donc assis dans la Peugeot « de collection », à en croire le contrat d'assurance, qu'Adrien suivit à la radio la première journée de L1, sur le parking de l'aire de Fleury.

Tout le monde avait beau le prévenir que sa casquette fétiche portait la guigne à qui se la mettait sur la tête, Adrien ne voulait pas s'en séparer. Et là, encore une fois, c'était à cause d'elle qu'Adrien avait pu suivre le match nul contre Sochaux, zéro à zéro. La première déception de la saison.

La barrière de péage où il s'était retrouvé bloqué était située juste avant le Point Kilométrique 62,5, marquant la fin de couverture des ondes émises par la Tour Eiffel, et donc limite à partir de laquelle l'autoradio, bloqué depuis mars 2003 sur 104,7 fm ne captait plus que des crachouillis. Dire qu'en repartant comme prévu, avec Dalida dans les baffles, il aurait pu échapper à cette reprise de Pierre-Alain Frau sur la transversale qui allait lui pourrir sa semaine... Il y a des soirs où être maintenu dans l'ignorance serait préférable.

Attendant que les gendarmes comprennent exactement pourquoi sa tante avait attaqué à coup de pierres un attroupement de supporters marseillais eux-même occupés à lyncher un Lyonnais de passage, puis déterminent comment elle avait réussi à causer des blessures à trois d'entre eux, notamment à l'oncle d'un célèbre international français parti depuis peu à Munich, Adrien croisa ses mains derrière sa nuque et soupira.

A part quelques bleus, Brandon n'avait rien, mais le Paris Saint-Germain avait du se contenter du seul point du nul... et lui avait retrouvé sa casquette agrémentée d'un nouvel accroc. La saison 2007-2008 ne s'engageait pas sous les meilleurs auspices.

Prochain épisode (prévu mi-aout) : 2ème journée, Le RCL en LSF.

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