Le silence comme un leitmotiv. Huis clos décrété, aucune interview. Dans son repli sur soi, le PSG confirmait l'émergence de la première véritable crise depuis l'arrivée de Vahid Halilhodzic en juin 2003. Trois nuls et deux défaites en Championnat assortis de la leçon de jeu et de maîtrise livrée par Chelsea (0-3), mardi soir, en Ligue des champions : de la L 1 à la C 1, le PSG traîne ses transparences. À son entourage, José Mourinho, le manager des Blues, a confié ceci en début de semaine : « J'ai supervisé le PSG une mi-temps contre Saint-Étienne (2-2). Ça m'a suffi pour comprendre que cette équipe n'était pas cohérente. »
Alors, les joueurs se sont parlé, hier matin. Pendant plus d'une heure et demie dans la salle où, d'ordinaire, Vahid Halilhodzic prononce ses débriefings de lendemain de match. Hier, le coach n'assistait pas à la mégathérapie de groupe. Mais l'autocritique fut ordonnée et non spontanée car c'est lui, l'entraîneur, qui a exigé cette grande discussion entre joueurs alors que ceux-ci s'apprêtaient à partir effectuer le décrassage.
Devant ses coéquipiers, José Pierre-Fanfan a d'abord pris la parole. Dans une ambiance lourde, le capitaine a invité ses coéquipiers à crever certains abcès. L'investissement déficient d'une large partie de l'effectif et les erreurs individuelles auraient été alors pointés du doigt par ceux qui ont pris la parole. D'aucuns auraient, par exemple, reproché à Lionel Letizi de vivre un peu en marge du groupe. Pauleta, lui, aurait reconnu ses torts sur le troisième but anglais, lorsqu'il baissa la tête sur le coup franc de Drogba.
Hier, certains auraient lancé devant le groupe : « Il y en a qui trichent. » Mais personne n'aurait été clairement désigné... Preuve, au passage, que trop peu de joueurs se sentent suffisamment irréprochables pour critiquer les responsables du fiasco estival. M'Bami, le meilleur joueur du PSG depuis le début de la saison, s'est cependant autorisé à exprimer quelques sentiments tranchés sur la situation. Le milieu défensif camerounais estime que plusieurs joueurs n'ont pas saisi le don de soi auquel un joueur du PSG doit consentir.
Le thème sensible des recrues
A-t-il été entendu, lui qui était raillé il y a peu par quelques coéquipiers pour ses rapports très proches avec l'entraîneur ? Il reste que le discours de M'Bami aurait heurté l'expérimenté Yepes, qui n'ignore pas que les joueurs arrivés à l'intersaison concentrent actuellement beaucoup de critiques. D'ailleurs, sur ce thème sensible des recrues, certains, au Camp des Loges, ont du s'interroger en découvrant, lundi dernier, les déclarations de Pauleta, la veille, en conférence de presse : « Je n'admettrai pas qu'un nouveau joueur arrive aujourd'hui et commence à dire n'importe quoi. »
Hier, l'étrange climat du Camp des Loges laissait transpirer l'image d'un PSG sur un fil. Soit il amorce, enfin, un redressement dimanche contre Monaco, au Parc. Soit il accroît les risques de voir son groupe morcelé entre les anciens et les nouveaux, les pro-Halilhodzic (M'Bami, Pierre-Fanfan) et les anti-Halilhodzic, ceux qui y croient encore et ceux qui n'y croient déjà plus. Un groupe qui traîne encore les séquelles des fractures provoquées par l'affaire Fiorèse.
Les effets de ce long décrassage verbal, émaillé de plusieurs platitudes, restent forcément très incertains. « Cette réunion n'a intéressé personne », assurait-on dans l'environnement du PSG. D'autant que ce groupe a l'habitude de se parler, du moins en dehors du terrain. « L'an passé, les joueurs se parlaient moins, témoigne un proche du groupe. La gnac était là, naturellement. Chacun savait ce qu'il devait donner sur le terrain. » Halilhodzic, lui, sait-il encore où il veut aller ? Il aurait déjà décidé de recruter trois joueurs, un par ligne, lors du prochain mercato hivernal. À des proches, il aurait confié récemment un regret, celui de ne pas avoir conservé Frédéric Déhu. Plus qu'un taulier de la défense, c'est le patron d'un vestiaire aujourd'hui déboussolé que le PSG n'a pas encore su remplacer.
JÉRÔME TOUBOUL (L'Equipe)